Il couvre dans le Temple, l’espace de circulation des frères, en-deçà de l’Orient. Il est formé d’une alternance de dalles noires et blanches. Il est le pavement du Temple et il a la forme du carré long argenté. Cette forme est la matrice qui détermine le quadrillage du pavé. Il est la base sur laquelle tout le Temple repose. C’est pourquoi il porte en son centre les trois piliers qui entourent le tableau de loge, symbole du carré de la genèse. Il fait face à la Voûte étoilée, délimitant ainsi avec elle un espace de création, symbole de l’univers manifesté.
Ce damier évoque le jeu (dames, échecs ...). L’initiation qui se vit sur ce pavé est bien un jeu, celui universel de la vie dont le secret est la Règle. Tel est, par exemple, le mouvement des offices. Cependant, le régulateur du jeu, le Vénérable Maître, est en dehors, à l’Orient, qu’il ne quitte jamais pendant les travaux. La vie est mouvement, mais son origine est au-delà.
Composé à parts égales de carreaux blancs et de carreaux noirs, il symbolise les parts d’ombre et de lumière qui sont en potentialité dans l’incréé, et dont devront tenir compte les acteurs qui œuvreront sur le carré de la genèse. La communauté initiatique se devra donc d’être en éveil permanent pour agir en conformité avec la Loi d’Harmonie.
L’opposition noir/blanc remet en mémoire la réalité de la dualité séparatrice et fondatrice tout à la fois.
Pour réaliser le Grand Œuvre, la communauté devra donc effectuer la résolution des contraires, symbolisés par le pavé mosaïque, autrement dit, le croisement des énergies.
Le pavé mosaïque nous propose également le jeu des Nombres. On peut retrouver tous les Nombres sur les quadrats qu’il nous propose. Le UN, imperceptible directement, est présent par l’espace central, entre les piliers et où l’on ne peut marcher. Les frères tournent autour de ce centre dans le sens solaire.
Le Deux est présent par le carré long argenté (double carré), et par l’alternance des cases noires et blanches. Il n’y a là aucune opposition. Telle est la dualité créatrice, le plus grand des dynamismes pour les frères qui marchent sur le pavé, où les éléments sont toujours complémentaires. Les frères y ont la pleine conscience du Deux qui peut sublimer notre vie en une création permanente.
La ternarité des piliers naît du pavé. Le Trois est le fils du Deux. De même, le frère sur le dallage est le troisième terme. Par ses déplacements, il unit et met en œuvre la dualité. Il ne s’attarde pas sur une case : s’arrêter, c’est se figer et disparaître. Symboliquement, les frères en loge sont toujours en mouvement. S’ils semblent figés à leur place, ce n’est qu’une apparence. Par leur travail, quelle qu’en soit la forme, ils mettent en action leur pensée et participent activement à la création.
Les dalles sont nettement délimitées. Cela suggère de passer entre elles, comme dans le pont de Sirah des musulmans, large comme le fil du rasoir. Il s’agit de ne tomber ni d’un côté, ni de l’autre. Ainsi peut-on rester vivant dans « l’ici et maintenant », sans tomber dans « l’hier ou le demain ». Sur le pavé, tout trouve un équilibre, chaque élément est un complément au tout, chaque pierre trouve sa place. Une mosaïque est un assemblage de petits morceaux de pierre isolés, sans forme, pris séparément. Mais le tout est cohérent. Telle est la complémentarité donnée par la fraternité. Marcher sur le pavé fait vivre la fraternité.
Le Quatre est donné par le carré de chaque dalle, orientée selon les quatre orients. Ce Nombre est celui du monde manifesté, de la stabilité. Le pavé mosaïque délimite l’espace de manifestation du Temple et est la référence de stabilité dans le voyage initiatique. De plus, les quadrats, ensemble de lignes horizontales et verticales régulièrement espacées, donnent la clef de tout tracé. De tout temps, ce système a été utilisé pour reproduire ou mettre en place n’importe quel dessin avec de justes proportions.
Les quadrats portent tous les Nombres et leur racine. Le pavé mosaïque, véritable matrice de création, ouvre à tout tracé, dans un jeu infini. Là, l’Oeuvre peut être édifiée.
Les frères le nourrissent de leur travail, de leurs actes et de leurs paroles. Il absorbe tout, sans exclusive. Ils appliquent alors le programme proposé dans le poème 28 du Tao-Tê-King :
« Connais en toi le blanc,
Adhère au noir.
Fais-toi norme du monde. Etre norme du monde
C’est cheminer avec la vertu immuable,
C’est retourner au Sans-limites »
On peut traduire ainsi cet enseignement :
« Connais en toi la parcelle de lumière,
Adhère au monde du Temple qui mène à la non-manifestation, au divin éternel.
Deviens la Règle.
Voyage dans l’Invisible pour le connaître.
Retourne à ton origine, au monde sans limite de l’Esprit divin ».