Le concept d’heure est important en initiation ainsi que le manifestent les rituels d’ouverture et de fermeture des tenues lorsque le Vénérable Maître s’enquiert des moments de début et de fin des travaux. Ceci s’exprime par les formules « de midi jusqu’à minuit » ou « de la première à la douzième heure ». Dans le premier cas on symbolise le soleil à son point culminant de la journée et celui où il est au plus profond des ténèbres de la nuit. Dans le second, c’est le travail de l’œuvre qui s’accomplit pendant toute la durée où la lumière divine est visible, active.
Les deux ont leur valeur et correspondent à la perception que la communauté a du mythe solaire. Il s’agit du concept de la lumière qui éclaire le travail des initiés.
S’enquérir de l’heure revient à considérer si l’instant est propice au travail afin que celui-ci soit en correspondance parfaite avec la Règle ou Loi d’harmonie. Il ne s’agit évidemment pas du temps profane, mais de l’instant sacré où toutes les conditions de création sont à leur optimum pour une réalisation achevée de l’œuvre.
Formulé autrement, il s’agit de savoir si l’acte à accomplir sera juste au moment juste
Etre à la bonne heure doit être l’obsession de l’initié, et cela donne de surcroît la clef du bonheur. D’ailleurs St Bernard insistait sur le danger de chercher en un moment inopportun ; il y a des instants où on ne peut trouver le divin.
La notion de durée évoque par contre l'incessante appartenance à la communauté. Le frère n’est pas un initié lors de sa seule présence dans le temple mais à tout instant de son existence. Qu’il soit endormi ou éveillé, le chemin se parcourt et l’initié se réalise.
Dans le temple, les heures s’enchaînent selon un processus transmutatoire, hors du temps matériel. C’est un temps de transmutation qui déroule les Nombres créateurs, qui les marie alchimiquement. Cela plonge les participants au rituel dans une des formes de l’éternité, celle de l’accomplissement de la durée éternelle par les cycles de vie. Les heures naissent du serpent du temps qui se boucle.
Les travaux dans le temple se passent donc, dans les rituels de certaines loges, de la Première à la Douzième heure, dans un cycle complet. En effet, le Nombre Douze est celui qui clôt la série des Nombres principiels, il permet à l’Homme Zodiacal de rayonner dans l’univers. Pour être en totale harmonie avec la loi du Principe, il convient d’avoir parcouru toutes les spécificités, toutes les polarisations particulières à chacun des douze signes du zodiaque afin de les exprimer avec justesse sur le Carré de la genèse.
Le rythme quotidien est celui qui est à la base de la vie et il est construit sur ce Nombre. Il donne les heures du jour où le soleil, la lumière divine, parcourt le temps de l’activité et de son rayonnement ; il donne celles de la nuit où le soleil se régénère dans la matrice céleste. Le temps du repos est indispensable, et ne constitue pas un arrêt. Il correspond au moment de l’assimilation qui autorise un réveil fructueux. Toute semence doit séjourner en terre avant de pouvoir germer ; c’est le phénomène de la dormance. On ne peut agir efficacement sans avoir mûri l’acte dans le silence paisible du repos. La nuit permet de jauger le jour qui s’achève pour préparer celui qui arrive. Jour et nuit sont deux lumières nécessaires, comme le Yin et le Yang. L’un féconde et l’autre répond par la formation des êtres et des choses. D’ailleurs, le livre de la Genèse dit à plusieurs reprises : « Il y eut un soir et il y eut un matin ».
Accepter l’acte juste au moment juste soulève le problème de la conscience de l’acte et de sa réalisation en fonction des conditions relatives au temps et au lieu, et donc de la connaissance des lois de création. En effet, l’initié ne peut œuvrer sans discernement, ni n’importe comment. La concrétisation d’une œuvre, quelle qu’elle soit, obéit à des règles strictes, elles-mêmes émanées de la Règle principielle. On en déduit qu’il faut être connaissant de cette dernière pour œuvrer en justesse.
Le Maître qui agit sur la planche à tracer du devenir et de la genèse permanente ne peut le faire en dehors des fonctions créatrices et des lois causales utilisées dans leur pureté totale. L’harmonie du temple construit en dépend. En témoignent ainsi tous ces prodigieux monuments de pierre que sont pyramides, cromlechs, cathédrales, ou autres…
D’autres rituels encadrent les travaux entre midi et minuit. Cela semble moins pertinent. L’activité commence à la première heure du jour et non à midi qui, comme son nom l’indique, est le milieu de la journée, donc quand l’activité doit déjà être à moitié accomplie. De même à minuit, les ouvriers ont depuis longtemps eu droit au repos réparateur.
Cependant, cette formulation a l'avantage d’insister sur le soleil du Nord. Le Nord est le point le plus élevé ; le midi correspond au sud et au point le plus bas. Dans le ciel matériel, le soleil, en hiver, est bas dans le sud puis remonte vers le nord jusqu'au solstice d’été où il donne le maximum de lumière et de chaleur. Par contre, chaque jour, il culmine au sud sans jamais se situer au nord. Le soleil de l’esprit est à l’inverse du soleil manifesté et culmine au Nord, à minuit, d’où sa place symbolique dans le temple. Les travaux s’ouvrent à midi quand la lumière est basse et demande à se développer par l’œuvre à accomplir ; ils sont clos à minuit quand la lumière développée dans la loge est à son maximum, prête à rayonner à l’extérieur. L’ouverture de conscience est optimale. Le temps sacré est à l’inverse du temps profane.