Ce mot dérive du latin « obediencia », qui signifie obéissance. Il contient également la notion de dépendance de chaque composante vis-à-vis d’un pouvoir central, ce qui est la négation même de l’indépendance et de la souveraineté qui sont les deux fondements traditionnels d’une communauté initiatique.
Une vraie loge étant par nature souveraine, aucune organisation ne peut interférer sur son autonomie, notamment sur la Règle ou les rituels qu’elle souhaite pratiquer. Les landmarks, qui donnent des bornes étroites aux loges de la franc-maçonnerie actuelle sont en fait très récents ; ils sont d’ailleurs variables suivant les obédiences.
Jules Boucher, une référence maçonnique, écrivait avec juste raison : « Il faut sans cesse se souvenir qu’une loge, au sein de n’importe quelle obédience, est toujours souveraine et indépendante ».
Actuellement, les obédiences sont des rassemblements administratifs d’ateliers soumis à une autorité centrale dont les préoccupations sont, la plupart du temps, d’ordre profane et non spirituel (action politique, montages financiers, copinage, recherche de la quantité, standardisation pour un plus grand contrôle…).
Elles sont devenues une conception humaine de l’initiation et une façon d’assurer une mainmise sur les loges pour les contrôler dans un objectif purement profane. Seul, un regroupement matériel de celles-ci est concevable sur un plan pratique, afin de faciliter leur fonctionnement. Mais ceci ne doit en rien concerner leur existence interne.
Esotériquement, une obédience est un contresens et n’a aucune utilité. Pire, c’est une erreur conceptuelle ! Une communauté initiatique ne peut dépendre que d’elle-même. Sa vie est conditionnée par sa connaissance et son respect de la Règle. Cela implique la présence d’une Chambre du milieu composée de Maîtres authentiques, sages, connaissants, et n’ayant qu’un objectif : l’accomplissement du Devoir, avec, comme corollaire la transmission de la Connaissance. Seule la loge détient la puissance initiatique. C’est elle qui nomme son Vénérable Maître, décide de la durée de son mandat, répartit les offices, octroie les passages de grade, et fait vivre la Règle par la communauté. Son unique supérieur hiérarchique est le Grand Architecte de l’Univers. La transmission du pouvoir initiatique se fait de l’ancien au nouveau Vénérable Maître et non par un corps étranger.
Mais le règlement a remplacé la Règle, le collectif a supplanté le communautaire, le mental a évincé la perception intuitive, la pensée binaire s’est imposée sans partage, la standardisation administrative a laminé toute possibilité d’accomplir l’acte juste au moment juste. Bref, les marchands ont à nouveau envahi le temple.
C’est bien l’image que donnent les obédiences actuelles dont maints dirigeants interfèrent dans le monde profane et s’affrontent, qui pour des avantages financiers, qui pour des questions de pouvoirs ou de basse politique. Ils sont à l’image de leurs instances dirigeantes qui s’excluent les unes les autres au nom, bien entendu, de la fraternité et de la tolérance, et dans la méconnaissance totale de ce qu’est la vraie régularité (travailler selon la Règle).
Penser que des frères d’obédiences différentes qui ne se reconnaissent pas, ne puissent se rencontrer alors qu’ils sont animés d’un même désir de réalisation, est une aberration totale qui doit permettre à chacun de comprendre à quel point ce type d’organisation est négatif et doit rester à sa place (la seule fourniture du gîte et du couvert).
Revenir à un concept traditionnel n’est pas chose facile. Vivre au sein d’une obédience donne une impression de confort, de facilité, de sécurité, bref de cocooning tant matériel qu’intellectuel. Tout cela engendre la paresse et évite de se remettre en cause en permanence, à l’image de la vraie vie qui n’est que mouvement.
Mais il n’est jamais trop tard pour se mettre en chantier …