Dans tout Temple couvert il y a, posé sur le sol, un Tableau de Loge. Une loge ne peut fonctionner vitalement, voyager dans le sacré, si celui-ci n’est pas présent. Il est, en quelque sorte, le cœur, le Centre du Monde. Il va recevoir tous les symboles qui vont créer l’espace sacré et permettre à la magie du rituel de s’exprimer.
Il y en a un pour chaque grade et, ensemble, ils rassemblent les vingt-deux lettres-symboles fondamentales utilisées par le Grand Architecte pour créer : trois lettres triples (comme les trois Grandes Lumières), sept lettres doubles (ciseau-maillet, Pierre brute-Pierre Cubique...) et douze lettres simples.
Par celles-ci, le mythe de création se révèle dans toute sa puissance et donne une dimension universelle à la loge. Symbole de la vie de l’Esprit, de la manifestation du Verbe, le Tableau ne peut être un objet inerte. Dans sa conception la plus pure, il doit être blanc. Le blanc, couleur de pureté, signifie qu’il est porteur de tous les possibles. Ses potentialités seront alors mises en œuvre par le tracé effectué à chaque ouverture des travaux ; celui-ci diffère, bien entendu, en fonction du Nombre (degré) auquel travaille la loge.
Sur le plan anecdotique et suivant des références historiques, une loge peut très bien se réunir valablement en pleine campagne. Elle trace alors à même le sol, car ce qui compte n’est pas l’aspect matériel du confort, mais la qualité du désir de la communauté et son adéquation totale à la Règle.
Le Temple étant à l’image de l’univers, ce qui s’y déroule est aussi à l’image de la Genèse. Le Tableau de Loge a la forme du « Carré de la Genèse », appellation qui détermine un double carré ou « carré long argenté » (proportion 1 sur 2).
Au Rite Ecossais, le Tableau de Loge est illuminé par les Trois Piliers SAGESSE, FORCE et HARMONIE, qui symbolisent les lois causales et la polarisation de l’Unité primordiale sous son aspect ternaire.
Selon le Zohar, l’Eternel a écrit la Loi en un feu noir sur un feu blanc. Pour St. BERNARD, Jésus écrivait avec un doigt, non pas sur la pierre de la loi, mais sur le sol. Il est ainsi clair que, dans le tracé, c’est le GRAND ARCHITECTE DE L’UNIVERS qui agit, et toute la loge se contente d’accompagner ce mouvement. A chaque tenue, on voit donc la façon dont « l’HOMME UNIVERSEL » inscrit son plan de création, car on a sous les yeux la création par excellence. Chaque frère prend alors conscience de la totalité du Temple, qui est vivant dès ce tracé.
Le frère qui officie est à genoux face à l’Orient car c’est le Vénérable Maître, intermédiaire entre le Principe et les frères, qui œuvre, même s’il délègue ses pouvoirs. Cet acte manuel rend les symboles vivants. Toute tenue ou le Tableau n’est que déroulé ne peut être magique et transmutatoire ; cela ne fonctionne pas. Chaque tracé est un moment de méditation, inexistant si l’on déroule un tapis ou retourne une planche prédessinée. Le dessin est également un support de méditation pour l’ensemble de la tenue.
Il est d’usage initiatique que, lorsqu’un frère parle en loge, il s’adresse au Tableau, au cœur symbolique du Temple, aux symboles fondamentaux, et non à un autre frère. Cela évite ainsi toute discussion stérile (discussion vient de discutere = briser en frappant, fendre) ou personnalisation de remarques, ou tout dialogue. Il convient de ne pas oublier que le Tableau de Loge a un aspect véritablement magique, dans le sens où il dépassionne : il permet à des esprits qui s’affronteraient ordinairement, de mettre leur richesse en commun dans l’intérêt de toute la communauté. Ce faisant, on l’enrichit, on le nourrit du spirituel, et il recueille toutes les paroles prononcées.