La coupe est un symbole féminin. C’est un vase, fait comme le cœur pour recevoir une substance ; d’ailleurs, en hiéroglyphe égyptien, c’est le même mot « ib ». Il s’agit du Graal, ce vase qui recueillit le sang du Christ (Hiram) et qui contient à la fois la tradition et le breuvage d’immortalité ; le sang est le principe de vie, l’énergie la plus précieuse qui soit. Cette coupe est taillée dans une émeraude tombée du front de Lucifer (le porteur de lumière) ; c’est son troisième œil ; sa couleur verte indique qu’elle conduit à la lumière de régénération. On peut même dire qu’elle symbolise la Veuve ; elle contient un breuvage amer, celui de la Mère, constitué d’aloès qui est une teinture mère. Chaque frère est en quête de ce contenant pour s’y abreuver fraternellement. Telle est la soif du sacré.
Ce liquide est l’eau divine, l’eau primordiale, l’énergie de l’origine. Une telle substance est dangereuse à ingérer, surtout s’il n’y a pas cohérence de nature avec celui qui boit. Elle peut détruire comme le montre son mauvais goût apparent. Celui-ci a une double signification.
Tout d’abord, il est le symbole de la dysharmonie qui empêche l’intelligence du cœur de s’épanouir. Seul l’individu peut la ressentir. Le postulant boit à la coupe au début du rituel d’initiation. Il vient chercher la Sagesse pour lui-même, ce qui est normal pour un profane. Il y goûte. Le mot latin « sapere » signifie à la fois goûter et avoir de l’intelligence, du jugement ; il a donné le mot sagesse. Mais, déception, l’être trouve l’amertume. Il faut commencer par le pire pour aller au meilleur. Si l’acte est individuel, il consiste à vouloir accaparer cette force de vie, et cela mène à la mort. Si l’être survit, c’est qu’il a la capacité de transcender sa démarche personnelle vers une démarche communautaire de don. Dans le cas contraire, ou si l’on n’est pas vigilant face à l’individualité qui empêche le cœur de s’ouvrir, cela rend le frère amer et exclut tout éveil. Il estime alors ne pas recevoir selon son dû. Quand on recherche son intérêt, on est sur le chemin de l’amertume et tel apparaît le breuvage. Celui qui pleure sur lui-même n’a plus de place dans son cœur pour s’emplir du divin et éprouver la joie de la vie initiatique. Il doit s’interroger et être rectifié. L’amertume emplit celui qui s’écarte et vit en dysharmonie. Elle révèle le non-respect des engagements pris devant le Grand Architecte de l’Univers. Sa cause est toujours en nous-mêmes.
L’autre facette de l’amertume est de conduire sur le chemin de la transmutation. L’eau de vie fait naître un rapport d’harmonie dans l’être. Il y a donc purification par l’intérieur pour conduire à une métamorphose. Cela préfigure la purification par le partage du vin à la table du banquet. La coupe est bien communautaire et chacun y boit lors des santés rituelles. L’eau pure se change en vin doux quand la coupe est partagée. Elle nourrit chaque frère. Le liquide ne supporte pas l’impureté, et il vient de la table des Maîtres. C’est un breuvage alchimique qui ouvre à l’immortalité. Il passe au-delà de l’individu pour atteindre l’Esprit, seul capable d’éprouver et de percevoir la saveur de la Sagesse. Celui qui n’hésite pas dans l’épreuve va au-delà de l’amertume apparente et se nourrit de la vie. Il a la main droite sur le cœur et prononce son premier serment. Par cette main, il fait passer la vie de la coupe à son centre vital de conscience pour affronter le deuxième serment, qui sera définitif, comme don de vie à la communauté initiatique.