D’après la Tradition, le silence aurait précédé la Création.
Analogiquement, il permet la réalisation initiatique, qui est la création d’un homme nouveau. C’est pourquoi il est imposé à celui qui vient d’être initié.
Mais de quoi s’agit-il conceptuellement ?
Il est consubstantiel au Principe de Création. Le son en est l’incarnation, le Verbe qui se fait chair. Seul le Verbe est réellement en capacité de silence. C’est pour cette raison que chacun se tait pendant le déroulement des rituels, le Verbe se manifestant à travers les fonctions de création.
Le silence est imposé à l’apprentissage, mais il relève surtout de la maîtrise, car il permet d’entendre la Création et de s’ouvrir à l’autre côté du miroir, à l’invisible.
Le Passé Maître, en tant que soleil secret, en est la clé, ainsi que celle des potentialités de la Loge.
Le Maître réalisé est un homme du désert, ce lieu sans nom où le Verbe s’exprime librement. L’apprenti ne peut aller dans le désert sans courir un réel danger. Le Temple, construit avec les pierres du désert, est fait de silence. La pierre est de cette nature, car elle est dépouillée, en dépit même de sa matérialisation. Le Maître peut, dans ce lieu, découvrir la voix de la juste parole au coeur du silence. La parole se traque ainsi. L’homme sage se tait dans le Temple, mais ses actions sont parlantes.
Notons toutefois que le silence n’est pas passif ; il nécessite d’être nourri. Il peut remplir, si l’on s’abandonne, si l’on fait le vide de soi, de ses pensées, pour s’emplir du divin. Toute cohérence puise ses racines en lui.
Le profane vit dans le bruit, qui n’est que désordre. L’apprenti se tait, pour faire cesser le bruit de fond qui l’aveugle. Il permet alors au Verbe de naître en lui, jusqu’au jour où, parvenu à la Maîtrise, il pourra alors formuler, transformer en parole le Verbe né du silence.
Salomon disait : « Le sot exprime aussitôt tout ce qu’il a dans l’esprit, mais le sage se réserve pour l’avenir ».
Quant au scribe Amennakht : « Fais patienter ton coeur dans sa hâte, tu ne parleras qu’après y avoir été convié ».
Faire le silence en soi est une ascèse qui favorise l’écoute et la compréhension de l’autre. Il implique le détachement de soi pour vivre pleinement ce qui se passe dans la Communauté. Il est un don d’amour que l’on fait à la Création. Dans une âme libérée de ses influx profanes et passionnés, et où règne le calme, loin de tout tumulte, la voix du divin peut se faire entendre.
Citons enfin Mac Luhan : « Que vos coeurs soient silencieux et vous sentirez le divin. Que vos pensées soient silencieuses et vous comprendrez le divin. Que vos passions soient silencieuses et vous aimerez le divin. »