COEUR
Sous l’angle du premier Pilier du Temple, la Sagesse, le cœur est le centre vital. En effet, les cinq sens sont des portes de perception qui débouchent sur lui et l’alimentent. Il est le véritable centre de l’être. D’une manière plus large, le cœur de la vie initiatique est la Communauté ; celui de la Communauté est le Temple ; celui du Temple est l’autel des serments ; et celui de la Loge est la Chambre du Milieu.
Quand un homme place l’initiation au centre de lui-même, toute son existence se simplifie. Par la pratique rituelle et par son travail, il est capable de s’unir au cœur de chaque chose qu’il approche, et par-là même à l’universel. Ses préoccupations quotidiennes sont relativisées.
Le cerveau sépare alors que le cœur unit. Cela est symboliquement vécu dans le rituel d’initiation quand le serment est donné, une pointe du compas posée sur cet organe, l’autre tournée vers le ciel ; le compas est le seul outil capable de le percer pour le relier à l’univers. En fait, voilà la seule partie de nous-mêmes que nous puissions réellement élever vers le divin. « Elevons nos coeurs en fraternité », dit le rituel.
Ainsi, cœur, centre et haut sont trois termes anagogiquement synonymes. Ce point vital est donc solaire, actif. Il donne accès directement aux choses, par confondement, d’où l’intuition. « Le feu du soleil, il le fixa à l’emplacement du cœur », dit un oracle chaldéen. Le soleil est le centre symbolique de l’univers. Il est l’Esprit, la Lumière divine. « Garde ton cœur avec le plus grand soin, car c’est de lui que vient la vie », (Saint Bernard). D’ailleurs, celui de la Pierre Cubique est le feu secret du Tétraèdre, animateur de toutes les formes de la vie.
Sous l’angle du deuxième Pilier du Temple, la Force, il dirige les êtres vers la Connaissance. En effet, on peut le considérer comme un vase. Il est le réceptacle intérieur de l’homme, le lieu où l’on reçoit les directives divines. Outil de perception directe, il est le symbole de la conscience. Il est ce qui fait connaître. L’intelligence du cœur n’est autre que l’intuition des causes. Alors, l’art de la formulation exprimera ce qui aura été conçu par le cœur.
Il convient de noter que, traditionnellement, le peson, de la perpendiculaire comme du niveau, a la forme de cet organe. Ce peson est donc une clef des Petits Mystères. En effet, par les grades d’Apprenti et de Compagnon, il s’agit de substituer son organe de chair, hypersensible et trop humain, par ce cœur de pierre.
La pierre est le centre de la symbolique initiatique occidentale. Elle renferme l’essentiel : l’ESPRIT. L’être qui acquiert ce cœur de pierre parvient à une sensibilité juste, et abandonne sa sensiblerie humaniste. Il est alors prêt à plonger dans la Maîtrise et à vivre l’Amour sans être perturbé par les sensations et les épreuves humaines, inévitables.
Selon l’angle du troisième Pilier du Temple, l’Harmonie, le cœur peut être libéré et s’exprime alors par la joie. La transmission traditionnelle est orale, elle se fait de cœur à cœur, en passant par les sens. Une transmission livresque risquerait d’être froide et dogmatique, non adaptée à chacun. Il n’y a rien à apprendre par cœur, mais il faut connaître le message dans le cœur, pour le vivre par soi-même. Là est le seul moyen de libérer ce centre vital.
Mais qu’est cette liberté ?
Pour Maître Eckhart, « Un cœur libre est celui qui n’est troublé par rien et n’est attaché à rien, qui n’a lié le meilleur de lui-même à aucun mode et n’a jamais en vue son bien propre ». Alors, en Communauté, les frères peuvent s’en donner à cœur joie, cette joie qui est la dilatation du cœur et reflète le feu de l’Esprit.
CŒUR-CONSCIENCE
Il s’agit d’une formulation spécifique à l’enseignement initiatique. Elle réunit les deux composantes fondamentales de l’être : la partie physique (corps), et les éléments subtils (âme et esprit). L’initiation ne peut se réaliser que par une adhésion globale de l’être, génératrice de l’harmonie intérieure.
Le cœur est, par excellence, l’organe moteur de la vie. Il fait circuler le liquide nourricier qui véhicule les énergies provenant des nourritures transmutées par la fonction assimilatrice. Ce qui se produit sur le plan physique trouve sa réciprocité sur le plan de l’invisible : l’intellect et le psychisme qui sont des émanations directes du Principe. Mais cette conscience principielle n’est pas immédiatement préhensible. Elle a apparemment quitté l’Homme lorsqu’elle a autorisé la manifestation, d’où les symboles du « Paradis perdu », du « Péché originel », de la « Parole Perdue ». Elle nous est toutefois inhérente donnant la faculté de raisonner et de parler.
Il appartient donc à l’être de retrouver le chemin de cette conscience divine. Le cerveau, siège du mental, ne permet pas, seul, ce retour. Certes, le cœur, siège de l’affectif, peut mener à une perception mystique. Mais celle-ci n’est pas transmissible, parce qu’elle n’est pas consciente.
L’initiation vise à réaliser une évolution permettant la connaissance de la réalité, et donc des lois causales avec les fonctions créatrices qui animent cette réalité. Elle fournit au chercheur les outils pour harmoniser toutes les possibilités de perception. Au-delà des sens physiques, celles-ci l’élèveront dans le monde de la sensibilité, de l’intuition, de l’invisible.
Le « cœur-conscience » n’est évidemment pas un organe physique, mais le siège immatériel de la perception connaissante. On peut même dire qu’il s’agit, en fait, d’un état d’être à acquérir. Cette acquisition, d’ordre purement individuel, se réalise au sein d’une communauté initiatique vivant selon la Règle.
Les symboles, les rituels, les Nombres, la Géométrie sacrée, la vie communautaire, sont autant de vecteurs portant vers la Connaissance et la vie dans le Mystère.