C’est l’action de faire connaître, ce qui implique d’avoir accès à la Connaissance. Certains veulent transmettre avant même d’avoir reçu et pratiqué.
L’homme profane propage un savoir en estimant détenir la vérité, avoir raison. Il donne des explications à des êtres qui, en général, veulent recevoir un savoir tout fait, prêt à servir. Mais cela tue le désir de Connaissance. En fait, il est préférable de nourrir la faim, le désir et non pas de rassasier, en ne s’adressant qu’au cœur-conscience, à la perception intuitive. L’initiation n’explique rien. Au contraire, elle met l’être en état de perplexité mentale et n’utilise que la langue sacrée, les symboles, les rituels et les sciences initiatiques. Les simples paroles ne sont pas aptes à évoquer la Parole. Toute sagesse que l’on veut décrire a un air de folie. On a donc coutume de dire que l’initiation est intransmissible, du moins dans le sens profane. Elle est cependant formulable. Et c’est même un devoir qui vient de Ceux qui sont Passés à l’Orient Eternel.
« L’Initiation est la transmission de toutes les formes sacrées de la vie » énonce le viatique d’Apprenti du R.I.T.E. L’enseignement est construit dans ce sens car là est la Vie, l’effet de l’AmourCause.
On peut considérer la transmission comme un transfert d’énergie. Par exemple, à l’ouverture rituelle des travaux, le Verbe créateur du Principe passe du Delta au Vénérable Maître, puis, par son regard, au sommet de l’équerre formée par la canne du Maître des Démarches et l’épée de l’Expert, au-dessus des trois Grandes Lumières. L’énergie descend ainsi dans l’espace de manifestation. De même, le Vénérable Maître donne l’initiation et les grades à l’aide de son épée flamboyante. Ces rituels sont une transmission parfaite, la plus élevée que puisse accomplir une communauté ; cependant, le néophyte n’y comprend rien et n’y comprendra jamais rien car cela n’est pas d’ordre mental. Le feu de l’esprit est accessible également par les deux Saint Jean ; et l’Orateur fait percevoir les lois intemporelles de l’univers. L’essentiel reste de faire passer de main en main la Sagesse qu’il y a dans les symboles et les rituels.
Comment cela fonctionne-t-il ? Il y a en fait deux cas.
Quand un Maître s’adresse à un disciple ou bien une communauté initiatique à ses Compagnons et Apprentis, il y a adaptation à la cible. Le support est donc avant tout oral, en dehors de tout dogmatisme figé par l’écrit. L’écrit ne peut être spécifique. Il faut donner à chacun selon ses capacités. Cela part du principe que l’on ne peut rien apprendre seul ; une bougie s’allume par la flamme d’une autre bougie ; sans ce contact, elle reste éteinte. Mais cette forme est mortelle, liée au temps et au lieu. La reformulation doit être constante. Il y a enrichissement permanent de la Tradition, de la conscience universelle, dans une création pure pour poursuivre au-dehors l’œuvre commencée dans le temple. Ce passage de témoin consiste en la sacralisation en conscience du monde dans lequel on vit. Il ne faut jamais oublier que les systèmes anciens ne peuvent plus fonctionner. L’authenticité est d’ici et maintenant. Les recherches historiques peuvent constituer des pièges redoutables.
L’autre mode est intemporel, sans cible particulière. Il est un message émis dans l’univers au-delà des temps, des hommes, des lieux. Il consiste alors dans le témoignage d’une œuvre qui peut prendre des formes très différentes. Ce legs est immortel, comme un trait de lumière visible de très loin, sans qu’on en voie la source. La trace laissée perdure hors du temps et de l’espace. Il y a nécessité de semer là où cela n’a jamais été fait. A ce niveau, l’initié ne se tourmente pas du fait que les hommes ne comprennent pas cette formulation ; advienne que pourra.
La transmission, quelle qu’en soit la forme, passe par trois phases : recevoir, améliorer, donner. Recevoir ne se peut que si on en a le désir et si on est prêt. Pour ne pas rester superficiel, une demande est nécessaire (« demandez et vous recevrez »). On ne peut conserver, comme l’avare, ce qui est donné ni même le gâcher. Il faut même reverser au Trésor de la loge avec les intérêts, ce qui est reçu. Le don est en fait un prêt qu’il faut améliorer dans un esprit de partage et d’amour. Donner est donc la phase ultime, à accomplir avec détachement. Nous restons certes imprégnés de ce qui est reçu, mais nous continuons à le faire vivre en le faisant passer à ceux qui en sont demandeurs pour que sans cesse s’exerce ce principe de vie.
Cela signifie qu’à chaque fois, il faut être au moins deux. Là est la base d’une communauté initiatique. Sur le plan des formes sacrées de la vie, la transmission est communautaire, comme la vie, car elle a besoin de la magie des rites pour se réaliser. La structure hiérarchique de l’initiation masculine est une approche progressive des mystères selon les portes de la conscience déjà ouvertes et donc selon les Nombres qui sont connus par le chercheur.
Mais à quoi sert la transmission ? En tout état de cause, elle ne peut résider que dans le travail à la seule gloire du Grand Architecte de l’Univers. Tout dans la nature est le fruit d’une évolution qui, héritière du passé, anime le présent et génère l’avenir. L’Initiation vient du fond des temps, et nous la recevons malgré les affres de certaines époques. Des supports adaptés ont permis de matérialiser le message afin qu’il ne se perde pas. Un courant traverse l’humanité depuis toujours ; il permet à la Tradition de vivre et de porter les valeurs sacrées.
Il se pose aujourd’hui un énorme problème, car le matérialisme et le rationalisme ont détruit la quasi-totalité des formes traditionnelles. La plupart des structures se disant initiatiques n’en portent que le nom, absorbées par le profane. Il y a donc un intense travail d’éveil à accomplir pour que ne disparaisse pas cette source sans laquelle la conscience de la Cause ne saurait survivre.
Chaque nouveau frère contracte une dette imprescriptible, le devoir de transmission ou, ce qui est identique, le devoir de tradition, afin de transcrire dans une forme nouvelle l’éternelle Sagesse et que la chaîne perdure.