C’est le sens central dans la mesure où il est servi par les quatre autres pour exécuter l’œuvre. Mais aussi parce que c’est lui qui semble donner la preuve la plus forte de la réalité perçue (cf. St Thomas). Il est la pierre de « touche » de l’ensemble des cinq sens. Avec la vue, il est celui qui permet d’entrer dans la Connaissance, alors que les autres ne font que l’approcher. Il donne un caractère de justesse aux perceptions, d’où les expressions du langage courant comme le toucher de balle d’un sportif, celui d’un pianiste, ou encore le tact dans les relations.
Tout le corps peut l’exercer. Cette faculté perceptive généralisée permet de concevoir le lien indestructible qui nous attache à l’univers dans tous ses aspects. Ainsi, la reconnaissance de deux initiés par les « cinq points parfaits » constitue un toucher intégral qui symbolise à la fois la reconstitution de l’Unité principielle et la fusion des deux frères dans l’universel.
Cependant, le toucher est démultiplié au niveau de la main ; il s’y concentre.
Il a cinq fonctions :
1. Il cerne les formes.
On peut ainsi reconnaître la place où une pierre pourra s’intégrer dans l’édifice. En travaillant la Pierre Cubique, le Compagnon entre en contact avec le monde abstrait des causes, avec les quatre éléments qui permettent de tailler toute pierre et donc de faire toute construction. Il empoigne ainsi la lumière et peut remonter à l’idée-cause. L’action opérative est indissociable de la voie initiatique. Toute pratique persévérante provoque une transformation profonde en harmonie avec la réalité spirituelle. Il y a mise en forme de l’être. Ainsi peut-on toucher la vie initiatique.
2. Il permet un échange d’énergie.
Dans le rituel d’initiation, le néophyte découvre l’Esprit et le monde des causes par la main. L’œuvre spirituelle est essentiellement manuelle. Ainsi travaille-t-on le Verbe. La chaîne d’union est le couronnement de chaque tenue. Entre les paumes qui se touchent circule activement l’énergie spirituelle, vitale. Le mystère n’est pas accessible au mental, mais il se vit pleinement par le contact des frères. C’est cela qui nous rend vivant, en nous reliant à d’autres êtres.
Il y aurait danger à rejeter la matière et tout ce qui se touche. On se couperait de l’énergie qui fait vivre. L’Etoile se dessine dans la main, ce qui la rend porteuse de toute l’harmonie du monde.
3. Il s’exerce par des outils.
La main est le plus bel outil de l’homme, celui de l’intelligence vraie, de la conscience. Manier un outil revient à travailler une matière pour en dégager une forme. Le Verbe est le principal matériau et on contribue à ce qu’il se fasse chair. Il faut sans cesse formuler. Tuer l’outil comme à notre époque provoque la mort de la conscience des hommes. Le virtuel coupe de la matière et supprime la sensibilité. Le tracé du Tableau de Loge est ce qui lui permet de rayonner. Un simple déroulement est inefficace.
4. Il manifeste une présence.
Par le toucher, l’initié est présent à ce qu’il fait. L’affleurement du tronc de la Veuve à la fin d’une tenue rend conscient de la présence permanente de la Veuve qui enveloppe toute la voie initiatique. On touche alors l’impalpable et l’action de la main devient juste et efficace.
Façonner l’œuvre sous forme de pierre parlante donne une présence que chacun peut constater dans les chapiteaux du moyen-âge. Ainsi la spéculation est-elle rendue opérative.
5. Il permet l’offrande.
La main n’est pas destinée à prendre mais à donner. Celle qui prend est impure, comme celle qui ne sait pas se décharger de ses présents. Sa seule fonction est l’offrande au divin. Une main pure œuvre selon la seule volonté du Principe. Elle accomplit l’intégralité du devoir. Elle est le consentement. Tout être consentant est débarrassé de sa propre gloire et peut creuser en toute sécurité la Pierre où sont cachés tous les trésors de la Sagesse et de la Connaissance.