Avec le vin et le sel, il fait partie des trois nourritures essentielles qui sont offertes au feu de la Saint Jean d’Hiver et qui forment les éléments de communion dans les rites de renaissance. Il en est l’aspect Harmonie et symbolise tout aliment solide qui permet au corps, à l’âme et à l’esprit de s’épanouir, sur tous les plans. Il est vital et a toujours constitué la base de l’alimentation humaine en occident.
La pierre est un symbole central de notre tradition de bâtisseur et c’est donc elle qui est consommée. Chaque nourriture essentielle vient du temple, de l’autel plus exactement, où elle est consacrée. Il est d’ailleurs dit que Moïse construisit le tabernacle dans lequel était la table des pains de propositions. Le pain est une Pierre Brute issue de la Pierre Fondamentale. C’est pourquoi il a le pouvoir de guérir les hommes. Il est le Verbe et « celui qui mange du pain dépend de la volonté de Dieu » (le sage égyptien Kagemni). Pour les chrétiens, il est le corps du Christ. En l’absorbant, on avale une création du Grand Architecte et on poursuit son œuvre. Bien qu’inanimé, il procure une énergie qui donne la force pour devenir réellement vivant et connaissant. En effet, il contient le germe de tout développement de conscience.
Il est fabriqué par le forgeron dans les entrailles de la terre (rappelons qu’Hiram est également forgeron). Il prend donc naissance dans la source d’énergie primordiale qui a été appelée négativement enfer par ceux qui voulaient accaparer la connaissance. Il se fabrique selon un processus alchimique qui transforme la matière première en élément de base de l’alimentation.
En effet, l’agriculteur permet à la nature de se charger du premier travail, faire du blé. La semence enfouie dans les ténèbres de la Terre mère, meurt à sa forme initiale sous l’action de l’humidité ou Eau. Elle donne un germe qui s’élève dans l’Air afin de donner un épi qui, sous l’action du Feu du soleil, croît et atteint le stade de maturité porteur de fruits et de nouvelles semences. Tel est le cycle éternel de la vie.
Le meunier recueille ensuite les grains, les moud et donne de la farine.
Le boulanger, à son tour, mélange celle-ci à l’eau pour former la pâte que le levain sublimera avant d’être soumise au feu. La cuisson rend assimilable le blé et fixe les énergies accumulées antérieurement. Le pain contient toutes les puissances nécessaires à la vie. Il est le résumé du cycle naissance/mort/résurrection, qui est la loi incontournable de l’univers manifesté. Mais il n’est qu’une matière intermédiaire.
L’initié, enfin, mâche, avale et digère la substance qui devient sang et chair, donc matière ultime. Le Verbe se fait chair. Rien n’est créé dans sa matière ultime. L’alchimiste doit intervenir pour cela, et il en aura fallu cinq : un forgeron, un agriculteur, un meunier, un boulanger et un consommateur.
Le pain ne peut exprimer ses potentialités que par le banquet. Les frères sont des com-pagnons, mot qui a donné co-pain, car ils partagent la même nourriture. Ils ont apporté des métaux à la porte du temple ; ceux-ci y sont transmutés en énergie consommable, puis ils sont partagés au banquet. Ce partage part du Vénérable Maître qui remet à chaque frère une pierre, un héritage traditionnel, une part de vie qu’il faudra travailler individuellement pour enrichir la création. Le pain permet la pensée, et le même morceau provoque des formulations très diverses pour alimenter les valeurs spirituelles. La communion unit l’homme à son créateur et les hommes entre eux. L’énergie créatrice est transmutée par la fonction assimilatrice pour irriguer tout le corps communautaire. Tel est le devenir des parties dispersées du corps du Maître que l’on reconstitue in fine dans la chaîne d’union qui devrait clore tout banquet. L’unité du pain est recréée, ce qui permet à la communauté initiatique d’être en harmonie, de reprendre des forces et alors de parler avec sagesse. Elle transmet la nourriture telle qu’elle a été prononcée.