Il ne faut pas la confondre avec la sensiblerie, les deux étant les faces d’une même énergie, l’une positive, l’autre négative.
La sensiblerie relève de ce qui est émotif ; elle est donc humaine et est liée à ce qui est mortel, profane. Sa forme exacerbée est l’affectivité, maladie qui touche naturellement la plupart des êtres humains et constitue un frein à leurs relations. Elle empêche la pensée juste et paralyse.
La sensibilité vraie est liée à ce qui est éternel. Elle met en relation directe avec les choses non apparentes par l’intermédiaire des sens, en dehors du fonctionnement du mental. Elle permet de réagir à l’abstrait, au concept. Elle pousse à se dégager d’une existence personnelle limitée pour chercher l’univers de la contemplation et de la Connaissance. L’être ne vibrant plus à lui-même est en capacité de vibrer avec l’univers et donc de le percevoir au-delà du prisme déformant de l’ego. Origène proposait de trouver une sensibilité divine qui relève du cœur et par laquelle le divin peut être vu de ceux qui en sont dignes. C’est littéralement acquérir un cœur de pierre. Il ne s’agit pas de devenir insensible comme le suggère l’expression populaire, mais d’entrer en communion avec l’absolu, de la même manière qu’un cristal de quartz utilisé dans les montres.
Cette qualité universelle est un feu qui inspire les paroles et guide dans l’action. Elle donne le sens des êtres et des choses pour les nommer en pleine lumière, indépendamment des opinions liées aux individus. La sensibilité juste est particulièrement enseignée par l’Hospitalier qui révèle la noblesse des sentiments et le dynamisme qu’elle recèle pour créer une communion.
Elle est accessible à tout homme, mais pas d’une manière spontanée. Elle se construit par la démarche initiatique, notamment par l’élément Eau qui permet de devenir un vrai miroir de l’univers. Elle ne peut être que le résultat du travail, de l’effort, de la participation à la vie de la loge, de la présence à ses frères, bref de tout ce qui transforme les êtres.
Elle s’élabore graduellement.
L’Apprenti aborde le symbolisme qui est la traduction sensible de la Connaissance ; il s’intègre à la communauté initiatique, dépasse ses limites et ses particularismes, et crée un début de sensibilité en sortant de lui-même, au-delà de ses conditionnements profanes.
Le Compagnon acquiert une sensibilité géométrique par les polyèdres ; il transforme son affectivité par l’Etoile Flamboyante. Il affine et met en éveil ses sens immatériels qui lui permettent d’appréhender l’univers pour devenir capable de restituer ce qu’il perçoit. Il entre réellement dans la vie.
Quant au Maître, il tente la métamorphose de son cœur de chair en un cœur de pierre, grâce au Feu ; il ne réagit plus aux événements transitoires mais vit dans sa fonction et entre dans l’action.