Qu’est-ce que le bien ? Qu’est-ce que le mal ? Ces notions n’existent pas dans la nature qui est ce qu’elle est et qui suit son évolution sans état d’âme. Le bien et le mal n’existent en fait qu’à travers l’être qui les vit. En effet, ils découlent de la morale. Or celle-ci n’est pas la même partout ni à toutes les époques. De plus, elle puise ses racines dans un mythe, et les civilisations ne se réfèrent pas toutes au même mythe.
Tout ceci fait que ce qui est considéré comme « bien » en un temps et en lieu particuliers peut très bien être perçu comme « mal » ailleurs. En témoignent les sacrifices humains offerts à la divinité en toute bonne conscience et qui nous paraissent horribles maintenant.
Bien et mal sont donc relatifs. Notre époque en est un parfait exemple puisqu’elle renie toute morale au nom d’une pseudo liberté de conscience. La société matérialiste a tué le divin et le mythe avec ; elle n’a plus, de ce fait, aucune référence valable ni garde-fou à ses errements. Mais, inconsciemment, elle sent la nécessité de contenir et prévenir les excès de la permissivité puisqu’elle génère, aux lieu et place de la morale, le concept d’éthique. Ce faisant, elle oublie que l’éthique est définie par le dictionnaire comme étant « ce qui concerne les principes de la morale... ». C’est « bonnet blanc et blanc bonnet », avec cette différence que les valeurs traditionnelles qui fondaient la morale sont jetées aux oubliettes.
Avec la pensée rationaliste tout concept métaphysique a été nié et rejeté pour laisser la place à l’humanisme. L’Homme a été mis à la place de Dieu, la sagesse et l’éternel en moins. Ce nouveau centre du monde dont on ne prend que l’aspect tangible, matériel, visible, démontrable, est bien loin d’être parfait et ne peut générer des lignes de conduite équilibrées et transcendantes. Il en résulte des bases comportementales baignant dans un flou artistique et incapables de réfréner les pulsions irraisonnées.
Est-ce à dire qu’il n'existe pas de solution ? Il convient de considérer le binôme bien/mal sous deux aspects différents, mais complémentaires et indissociables.
Le premier correspond à l’angle exotérique. De tout temps, les sociétés ont généré des religions afin de répondre aux aspirations des hommes. Il revenait à ces dernières de formuler le mythe sous forme d’une sorte de réglementation des actes permis ou interdits. Cela a commencé dans notre civilisation judéo-chrétienne par les Tables de la Loi et les Dix Commandements. Le christianisme s’en est emparé, a formulé un dogme et introduit la notion de péché pour tout acte ou pensée non conforme à ce dogme. Cela a apporté aux hommes des valeurs à respecter et un code de vie permettant des relations sociales harmonieuses le plus souvent. C’est tout cet édifice qui s’écroule maintenant en Occident, d’où son désarroi.
L’autre aspect concerne l'ésotérisme. Par-là, il devient possible d’avoir une perception du bien et du mal qui ne soit plus ni relative ni fluctuante, et de les considérer comme deux aspects d’une même réalité. De même que dans le concept théocratique égyptien Seth et Horus sont inséparables et constituent deux pôles complémentaires, l’un ne pouvant exister sans l’autre.
La Connaissance est Une. La Sagesse est Une. La Réalité est Une dans son essence, bien que ses formulations puissent différer. Si les chemins varient selon le génie des communautés, le but est universel et éternel. Alors la notion de bien et de mal prend une tout autre dimension, ceci quels que soient le lieu et le temps, car un référentiel existe, universel, éternel, intangible : Le Principe Créateur.
Toute l’initiation se résume à vivre sous la loi du Principe dont la Règle est l’expression manifestée. Or, vivre la Règle, c’est vivre dans le Sacré et toute transgression à cet impératif est disharmonieuse et négative. On peut donc en déduire qu’acter le Bien, c’est vivre dans le sacré ; que faire le Mal, c’est être en dehors du Sacré. En fait, les concepts d’harmonie et de dysharmonie sont beaucoup plus précis et utiles. Ils ne se réfèrent à aucune morale humaine, à aucun règlement, mais se situent par rapport à la loi d’harmonie et donc à la Règle. Ils concernent l’adhésion à la volonté divine ou à son rejet pour suivre sa volonté propre ce qui conduit à être manié par les événements.
Il faut noter également qu’il n’y a pas de différence fondamentale entre le bien et les biens. Les deux peuvent empêcher d’être car ils sont liés à la possession. Pour un initié, il n’y a que le devoir qui est accompli ou non, correctement ou non. Et si un frère n’en a pas conscience, la communauté est là pour le lui rappeler. En effet, l’ignorance du devoir conduit à la violence gratuite, à l’absence de communication entre les hommes, puis à la destruction et à l’exclusion de la nature.
La dysharmonie dans ce que l’on pense, dit et fait provoque des vices de construction dans l’être. Se repaître de films violents n’est jamais innocent. Une sagesse ancienne précisait que celui qui manie la poix en sera maculé.
Cette approche des choses est celle de l’initiation. Elle ne peut pas concerner les profanes qui pourraient en profiter bien souvent pour libérer tous leurs instincts. C’est pourquoi, dans toutes les civilisations traditionnelles, un foyer initiatique vivant selon la Règle détermine une religion acceptable par le plus grand nombre, en fonction du lieu et du temps. Cette religion propose une morale qui aide les hommes à se conduire harmonieusement, que cela soit par la notion de péché ou par celle de karma.