Cette notion est liée au temps. Dans l’incréé, celui-ci n’existe pas et il en est donc de même pour le mouvement. Par contre, dans le monde manifesté, la vie s’exprime par la dynamique et ce qui est figé se meurt. L’évolution y est une loi naturelle et un proverbe chinois précise : « Ne crains pas d’avancer lentement, mais crains de t’arrêter ». L’hindouisme tantrique précise qu’il y a du changement dans l’invariabilité ; Brahma en tant que lui-même ne bouge pas ; en tant que monde, il change ; il est immobile et le monde ne s’arrête pas un seul moment.
La pensée divine est le mouvement éternel, primordial de l’univers. Elle anime tout ce qui existe et donc toute loge initiatique. Là est le renouvellement, la régénération permanente, l’énergie essentielle. Autrement dit, le mouvement n’est pas la vie mais sa conséquence. La vie, comme le Verbe et la Lumière, ont leur origine dans l’incréé, en dehors de toute évolution. C’est pourquoi il est dit que la vie est mouvement et repos, dans une dualité créatrice perceptible par l’homme. D’ailleurs, la démarche initiatique ne commence pas par une action mais par la mort dans la crypte, à la frontière de l’incréé.
Un être ne se déplace volontairement que s’il constate un éloignement et s’il a un désir de se rapprocher. Mais tout dépend de quoi. Il y a des déplacements qui tuent alors que ceux vers la lumière donnent la vie. Le mouvement brownien est anarchique et n’est pas vital ; ce n’est qu’une gesticulation comme toute réaction. Le vrai changement implique un point fixe ; il est centré. Le symbole du mouvement est le cercle, sous toutes ses formes, notamment l’ouroboros, le serpent qui se mord la queue. Le centre est immobile. Là se trouve le créateur et tout se déplace sauf lui. La pensée vitale est celle qui va du cœur vers l’extérieur et inversement. Le compas ne peut entrer en action que si une de ses pointes est fixée. Pour l’initiation, ce point est la Règle. Si l’être est mal centré, des forces centripètes disharmonieuses provoquent un éclatement. Dans le cas contraire, il est capable d’une action vraie. Mais de quelle manière ?
Dans la nature rien n’est stable ; seule l’éternité l’est. Par contre, quand le temps est perçu d’une manière cyclique et non plus linéaire, il se stabilise et se replie dans l’éternité, tout en étant en perpétuelle évolution. Voilà pourquoi la vie dans le temple est avant tout rituelle pour que l’existence se conforme à tous les cycles du cosmos. Les déplacements sont également rituels. Alors, s’ils sont justes, ils structurent l’espace et mettent en forme le devenir. Le Vénérable Maître, à l’Orient, est immobile mais il anime l’espace de manifestation du temple par l’activité qu’il insuffle aux frères.
Le Maître des Démarches incarne cette fonction. Il est le pèlerin de la Lumière, celui qui est en quête incessante de l’univers sacré du temple. Il ouvre les chemins de l’invisible pour ses frères. Il organise le temps et l’espace sacrés. Pour cela, il enseigne la marche harmonieuse, celle qui est ordonnée, composée de pas rituels qui sont la mesure du mouvement. On ne peut bouger vitalement qu’avec mesure. Le rythme de sa canne préserve l’harmonie du temple et il en fait marquer les angles car le lieu est ordonné. Les trois pas de l’Apprenti dans l’angle d’un carré long ne sont pas un but final. Ils doivent être suivis de la marche du Compagnon pour s’enchaîner, après la traversée victorieuse de l’épreuve de la mort par le franchissement du lit de résurrection, avec le déplacement sans limite du Maître.
Les signes, particuliers à chaque grade, sont également des actions du corps pour se mettre à l’unisson de la communauté et de l’ordre qui règne dans le temple. La demande de la parole est aussi gestuelle. Elle est discrète pour ne pas troubler l’ordre ni celui qui est en train de s’exprimer. Seul celui qui dirige les travaux peut accorder la parole ce qui préserve l’harmonie entre les frères et permet à chacun de s’exprimer totalement dans le silence de la fraternité. Loin de l’agitation profane gaspilleuse d’énergie, la parole circule. Cette animation selon la Règle devient une expression du Verbe. L’ordre s’impose au mouvement pour le respect de l’harmonie.