C’est un néologisme qui semble être né des racines « con » (du latin « cum », avec) et « fondement », « métaphore tirée de l’architecture : ce sur quoi repose un certain ordre ou un certain ensemble de connaissances ; ce qui donne à quelque chose son existence ou sa raison d’être » (Vocabulaire de la Philosophie - Lalande).
Son sens se rapproche de celui de l’extase ou encore du ravissement mystique, où l’esprit est comme transporté hors du monde sensible, où l’âme est réunie à son objet, c’est-à-dire à l’être parfait, infini, éternel : Dieu. Cet état mystique s’acquiert en dehors de toute raison, semble-t-il, par une union affective de la totalité de l’être à l’objet de sa contemplation.
Le confondement, pour sa part, vise à un résultat similaire et réel mais en faisant intervenir la raison par une authentique perception des causes, pour remonter à la Cause principielle, originelle, unique, et s’y identifier. Il y a une concordance parfaite avec le processus initiatique qui a pour objet la perception du Mystère. Voilà donc un état d’évolution vers lequel l’initié doit tendre, sans toutefois pouvoir l’atteindre, et c’est grâce à cette approche qu’il percevra les choses de l’intérieur, dans ce qui en constitue l’essentiel. Il en minimisera les aspects secondaires, sans toutefois les renier.
Il y a identification totale entre le sujet et l’objet. Dans le tir à l’arc, l’archer s’identifie avec la flèche et la cible : ils ne doivent faire qu’un. Mais ceci exige une expérience et une maîtrise exceptionnelles grâce auxquelles l’esprit de l’archer sera détaché de toute pensée technique ou gestuelle. Il est libéré. Le confondement est un état de libération.
Si l’homme l’atteint, il n’y a plus de notion de dedans et de dehors. Il y a mise en rapport de la nature en lui avec la nature hors de lui. Symboliquement, c’est donc être dans le jardin de Paradis qui est l’univers, mais dans une vision particulière. Ce n’est qu’en sortant du Paradis que l’individu apparaît ; il se voit nu ; il connaît le dedans et le dehors, la dualité, et il quitte cet état unitif.
L’initiation est ce qui permet de se libérer des réactions primaires de l’individu pour atteindre le confondement avec le tout en renonçant à cette individualité destructrice, et aller dans l’amour sans but, sans cause, sans récompense et sans déception. Le moi s’extériorise dans le Soi, et il n’y a plus de différence. Il n’y a plus moi et l’autre mais le seul Soi qui se reconnaît. Voilà bien le seul moyen véritable de connaissance car il évite la différenciation sujet-objet, observateur-observé, qui entraîne toujours une perception extérieure donc déformée.
Le danger est de se tromper sur l’objet du confondement. L’initié recherche la communion avec ce qui apporte la lumière de la connaissance et évite tout ce qui concerne la vie quotidienne, dite profane, et qui est conditionnée par les besoins du corps. Il est dangereux de se fondre dans les obligations du monde avec lequel il faut bien exister mais qui nous détruit si nous nous donnons à lui. Il doit indifférer l’initié qui y accomplit cependant son devoir.
Le confondement concerne deux choses qui doivent être de même nature. L’idéal est de le réaliser avec l’univers, grâce à l’élargissement de conscience que procure la pratique du symbole. C’est le seul moyen d’accéder à la connaissance directe des causes. Pour un individu, ce ne peut être que momentané ; ce peut être plus durable pour une communauté. Voilà pourquoi la pratique occidentale recommande de se faire assimiler par une communauté pour être de même nature qu’elle. Cette assimilation n’est possible que par la vie dans la Règle.
Alors, la libération de l’être est accessible, ainsi que la soumission consciente à la loi d’harmonie. La transmutation s’accomplit. L’approche de l’état de confondement conscient avec le Principe permet alors au Maître ainsi réalisé d’œuvrer sur la Planche à tracer, à l’image du Démiurge.