C’est la révélation et l’explosion de la véritable nature des êtres qui, par cette réalisation, deviennent participants à la vie. En effet, tout homme est porteur d’une étincelle divine susceptible d’être animée dès que l’individu commence à prendre conscience du réel, au-delà des apparences. Si l’on ne fait pas cet effort, le Principe, propriétaire de cette parcelle, récupère son bien sans qu’il ne se soit rien passé et l’être disparaît définitivement dans le néant. Il n’a jamais existé. L’éveil de la connaissance du cœur est la véritable connaissance de soi et non une quelconque introspection.
L’initiation est une démarche qui permet de se lever d’entre les morts-vivants, ceux qui restent assoupis loin de la nature spirituelle de l’univers. L’individu dort spontanément, hors de la conscience de l’univers, enfermé dans sa bulle égotique, par nature très limitée. La vie profane nous plonge dans un sommeil spirituel aussi bien par les mirages de l’intellect que par ceux de la matérialité.
Il va donc s’agir d’ouvrir les yeux, le troisième œil comme l’on dit parfois, pour affronter la réalité éternelle autant par la raison que par l’intuition.
Celui qui prête attention aux choses qui l’entourent et à ce qu’il fait, à chaque instant, ne les voit plus dans leur apparence mais dans leur ultime réalité. Un être éveillé est conscient de chaque geste, chaque parole, chaque intention. L’attention est beaucoup plus importante que l’activité. Elle résulte, non de la curiosité, mais de l’amour pour le créateur et la création. L’ensemble des sens s’exprime alors tant sur le plan matériel qu’immatériel, rendant possible de nouvelles perceptions et un vécu autre. Cet art de vivre s’applique à tous les domaines et mène à la connaissance.
L’éveil est donc l’entrée dans la véritable vie. Ce n’est pas un but mais un état de conscience qui transporte l’être dans un monde beaucoup plus large.
Ce mot a la même origine que vigilance, un des tout premiers concepts proposés au néophyte dans la crypte, comme mise en garde avant de s’engager sur la voie. Dès lors, il n’est plus question d’une existence plongée dans les habitudes et les certitudes.
Le garant de la démarche est la communauté car les frères peuvent apprécier un possible égarement individuel, beaucoup mieux qu’un être isolé. Mais l’essentiel est de réussir la création d’une conscience communautaire, seule capable de se relier à celle qui est universelle. Par le rituel, ces trois plans deviennent indissociables pour participer pleinement au phénomène de la vie.
En effet, l’ouverture rituelle des travaux en loge est un éveil en paix du Grand Architecte de l’Univers. Ce qui est profane s’estompe et la divinité paraît. Cela emporte tout l’être communautaire dans une vision unitive. La réception du Verbe qui s’effectue fait éclore l’amour de la Sagesse.
Comment parvenir à cet éveil ? Il se construit par un enseignement sans aucune révélation, et ne concerne que celui ou ceux qui sont en cause. Là est le rôle terrestre essentiel de la voie initiatique quand elle fait connaître les causes. Tel est le rituel d’initiation ou celui des deux Saint Jean, qui modifient les êtres en profondeur et font potentiellement apparaître un homme nouveau qui va devoir accomplir cette virtualité. La communauté initiatique agit alors par le feu. Par ailleurs les coups de maillet, les accolades fraternelles, la circulation de la parole sont des moyens efficaces. On ne sait jamais d’où vient le mot, le geste qui déclenchent. Ce peut être insignifiant pour l’un et brutalement éclairant pour un autre.
Le rôle du Premier Surveillant est d’être l’éveilleur des potentialités par l’art de poser des questions justes. Il conduit à connaître notre parcelle divine dans un état d’attention à ce qui est, sans jugement ni pourquoi. L’être ordinaire se transforme ainsi en guerrier, sans cesse aux aguets et à l’écoute de toutes les manifestations de la vie pour les intégrer dans son champ de perception. L’intelligence cérébrale comme le savoir sont inefficaces pour les prises de conscience. La clef est la perplexité qui court-circuite les fonctionnements habituels ; d’où les symboles, les rituels.
Comment s’exprime l’éveil ? Est-il unique ou progressif ? Tous les hommes ne sont pas concernés car il faut en avoir le désir et rencontrer la communauté initiatique capable de le transmettre en harmonie avec celui qui cherche. Il est personnifié dans la plupart des traditions, que ce soit avec Osiris, Hiram, le Christ ou Bouddha. Ce sont des êtres mythiques qui l’ont réalisé et qu’il faut animer en soi. La ternarité en est le symbole et la porte du sud dans le temple est le lieu où il s’accomplit.
Le plus difficile est sans doute de ne pas retomber dans une douce torpeur, de poursuivre le chemin avec une communauté. Car celui qui a reçu la « grâce » de pouvoir quitter sa somnolence ne peut plus s’arrêter sous peine de mort spirituelle, définitive. Et finalement, l’éveillé doit devenir éveilleur.