Nommer est le rôle d’une aristocratie. Cela nécessite une autorité : le chef nomme ses adjoints, le pape ses cardinaux, le président ses ministres, le Vénérable Maître son collège des Officiers.
Ce principe se retrouve dans le livre de la Genèse où Dieu (1,26) donne à l’homme domination sur les animaux et (2,19) en lui déléguant le pouvoir de leur donner un nom.
Sur le plan ésotérique, cela revient à faire naître, à donner la Vie, celle de l’Esprit. On ne peut donc agir sur ce plan à la légère. Il faut d’abord avoir appris à connaître afin d’énoncer en justesse. Le sanscrit « nâma » désigne ce qui est essentiel dans un être ou une chose : il s’agit de désigner la réalité fondamentale, le Nombre de cet être. Une mauvaise appellation aboutit à « confondre une chose avec une autre », ce contre quoi le rituel nous met en garde comme la pire des confusions mentales.
Le choix du nom passe par l’intelligence du cœur qui permet de comprendre l’être. Puis on énonce par le Verbe, transmettant ainsi la Vie réelle. Il y a là participation à la création. Toute la science de la Magie se fonde sur cette connaissance qui permet d’éveiller la puissance qui est en chaque chose.
Le profane entrant en initiation est requis de donner son nom et son âge profanes. Mais au-delà de la porte, ceux-ci n’ont plus aucune importance. A la fin du rituel, créé en tant qu’initié, il n’a plus d’autre nom que celui de frère ; l’individu disparaît pour laisser place à la personnalité. A son tour, il doit parcourir l’univers, le connaître et en devenir conscient afin de pouvoir « nommer les êtres et les choses en pleine lumière » (rituel d’ouverture des travaux au premier degré du R.I.T.E.).
Le chemin initiatique suit un parcours parfaitement balisé, comportant une succession de portes dont il faut percevoir la connaissance afin d’être capable de les nommer et ainsi de les franchir. C’est le fameux : « Sésame, ouvre-toi ». Il y a toutefois une exception à ce pouvoir : Divin, Principe de Création, Grand Architecte de l’Univers... ne sont pas des noms mais des qualificatifs. L’homme ne peut désigner son Créateur, car ce serait avoir pouvoir sur Lui ce qui est impensable. Il est dit que Rê confia son nom secret à Isis, mais que nul humain ne put l’entendre. Pour l’approcher à travers des qualités ou attributs, il faut donc passer par la Veuve, Isis, chemin obligé pour pouvoir retourner à la Cause des causes.