Il s’agit de l’une des trois pierres qui créent le temple avec la Pierre de Fondation et la Pierre Fondamentale. La Pierre d’Angle ou Pierre Croche est unique par sa fonction et sa forme, et pourtant elle peut se percevoir de trois manières : elle est la première posée, elle est la dernière et elle lie la terre au ciel. Le concept de pyramidion lui convient parfaitement.
Dans son premier aspect, elle est fondatrice. Elle se situe dans l’angle du carré long, au Nord-Est du futur édifice. Elle est donc à la base de la genèse. Située dans la terre génitrice, elle est ainsi la stabilité, la longévité, la pérennité de l’Œuvre. Elle manifeste l’origine, l’impulsion, le mouvement et indique le chemin à parcourir. Elle détermine donc l’orientation du temple et conditionne la réussite de l’Œuvre. Elle est née de la Tradition que nous ont léguée les Initiés Passés à l’Orient Eternel, et d’elle naît le temple. Le Christ lui a été assimilé. Hildegarde de Bingen a ainsi écrit : « Sur Dieu reposent le ciel et la terre ; il soutient le firmament tout entier comme une Pierre d’Angle soutient un édifice entier ». Quand on dédicace un temple, le rituel met en avant cette notion de Pierre d’Angle taillée pour devenir la maison du Principe de création. Celle-ci est bâtie solidement et sa base est le Grand Architecte de l’Univers. Elle est donc la première pierre, et sur elle repose toute la structure du bâtiment. Par rapport à une pyramide égyptienne, cette Pierre est le pyramidion, pierre de naissance de la construction. Tout commence par lui, posé sur le sol, donnant la matrice de l’édifice. Toutes les autres pierres dépendent d’elle.
Dans son deuxième aspect, elle est clef de voûte. Elle ne trouve sa place qu’à l’achèvement du temple, en un emplacement unique concrétisant la réalisation de l’édifice sacré. Elle est à la fois la dernière et celle du sommet ; en effet, l’angle, c’est la tête, l’extrémité. Elle est le pyramidion prêt à être posé au sommet quand tout est achevé et permettant de s’assurer du respect des plans de l’Œuvre. Au sommet, elle est le cinquième angle du volume, en donnant la quintessence. Le symbolisme est le même quand St Bernard parle d’une seule Pierre d’Angle qui réunit deux murs venant de points opposés, à l’endroit où se raccordent des voûtes. Elle cale l’ensemble et sans elle l’édifice s’écroulerait. Pierre vivante, elle descend du ciel où elle a été taillée pour prendre sa place et couronner l’Œuvre si elle est en tout point conforme à la loi d’harmonie universelle.
Cette Pierre peut également être envisagée comme un lieu de théophanie, de manifestation du divin ; elle sert d’intermédiaire entre le ciel et la terre. Elle les lie, les met en harmonie. Cela correspond à la fonction du Vénérable Maître, intermédiaire entre le Principe créateur et sa Communauté. De fait, dans les Evangiles (Thomas, Matthieu), il est dit : « Montrez-moi la pierre rejetée par les bâtisseurs. C’est elle la Pierre d’Angle». Seul le Maître d’Œuvre la connaît ; les ouvriers ne la distinguent pas des autres, sauf pour lui trouver une forme bizarre et l’écarter, ne voyant pas où elle peut prendre place. Le Maître connaît le début et la fin. Il est l’être qui peut tracer les plans de la genèse permanente sur la Planche à Tracer du devenir. Au moyen âge, elle prenait la forme du diable, symbole de la grossièreté matérielle, de la substance minérale dans la minière. A Notre Dame de Paris, elle s’appelait « Maître Pierre du Coignet », symbole de la Pierre du Coin, et était placée sous le jubé à l’angle du chœur, avec l’apparence d’un diable grimaçant. Cette humanisation sous l’aspect de Lucifer, le porteur de lumière, l’étoile du matin, rappelle la matière initiale de l’Œuvre. Le coin est d’équerre, comme le bijou du Vénérable Maître. Dans le temple moderne, elle est figurée par le Delta, volume angulaire, véritable assemblage de pierre et de lumière mettant les frères à la jonction des forces célestes et des forces terrestres.