Etant indispensable au cycle naissance-mort-renaissance, elle est, de ce fait, une fonction créatrice. Tout ce qui est créé meurt ; mais la mort n’est pas le néant ni la fin. Elle précède la putréfaction qui est à la source de la nourriture de la vie future. Sans cette fonction qui conduit, par décomposition, à retourner à un état indifférencié, la transmutation ne saurait se réaliser. Cela se produit dans l’obscurité de la matrice pour permettre aux forces de création d’accomplir l’œuvre nouvelle.
La putréfaction entraîne un effet de déconditionnement de la forme passée, et la materia prima ainsi réalisée est dans un état virginal quasi-total porteur de tous les possibles. C’est donc une des phases alchimiques de l’œuvre. Elle correspond à l’œuvre au noir, symbolisée par le corbeau ou par la tête de mort.
La science nous dit qu’il s’agit de la décomposition de la matière organique sous l’action de micro-organismes. Il y a dissolution, liquéfaction de cette matière par sa chaleur propre. L’humus de la terre en est une excellente illustration. La vie microbienne le produit lentement dans le sol par la dissociation des matières organiques végétales ou animales. Personne ne sait définir précisément ce qu’est l’humus, sa composition, sa structure ; mais les agronomes savent qu’une terre sans humus n’est pas fertile et s’appauvrit très vite.
Par conséquent, la putréfaction est l’action de la vie (les micro-organismes) dans le support de la vie (la terre) grâce à la mort. Le résultat permet une nouvelle forme de vie, par l’humus, c’est à dire l’humilité. Pour l’homme, c’est s’offrir en nourriture à l’œuvre. Certains rituels de Maîtrise l’annoncent ainsi : « La chair quitte les os, tout se désunit ».
Le noir est sa couleur. Toute substance organique en désagrégation vire au noir. Pour les alchimistes, le corbeau est la première apparence de la décomposition consécutive au mélange parfait des matières premières dans l’athanor. Cette couleur se manifeste à de nombreuses reprises dans l’œuvre. Seul le feu secret permet de déclencher la corruption, en tant qu’esprit enclos en toutes choses, dissolvant universel.
Selon la Règle, on doit entrer dans le temple par le Septentrion, dans la lumière froide du Nord, avant la manifestation de la lumière. Là seulement est possible la putréfaction. Mais alors cette matière noire doit être blanchie, passer des ténèbres à la lumière par l’ouverture des secrets de la nature.
Le compagnon vit de près ce phénomène. En effet, la Pierre Cubique montre la putréfaction car elle est une forme qui se révèle par la décomposition des polyèdres réguliers. Ils sont les formes les plus humbles de la vie que l’on ne trouve que dans la Pierre Cubique. Cette pierre les reconstitue en les voilant pour donner l’œuvre au blanc.
Cette fonction créatrice est manifestée dans le temple par le Secrétaire, dont le nom ésotérique est « Maître du Secret ». C’est lui, en effet, qui est chargé symboliquement, bien au-delà des charges administratives bien inutiles, de recueillir les décisions de la loge, de les mettre en forme et de les réaliser. Il est le reflet actif de la lumière des frères. C’est pourquoi il est assis sous la Lune, au midi de l’Orient, ce qui est sa juste place, afin, comme elle, d’absorber la lumière du Soleil et celle de toutes les étoiles, de les polariser pour les rendre ainsi vivantes et dynamiques au niveau de la Terre. La lumière solaire est morte à sa forme première, s’est putréfiée en quelque sorte, en passant par l’incontournable Lune, afin de donner vie à la création entière. Cette modification s’est faite dans la matrice lunaire pour que la nouvelle énergie soit en totale harmonie avec la dynamique nourricière du vivant.