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Travail

            Distinguons bien les activités profanes et celles qui sont spirituelles, propices à la réalisation de l’homme.

            Pour Schwaller de Lubicz : « Vivre n’est pas travailler. Si nous sommes condamnés à travailler pour entretenir notre vie, cette sentence fait notre souffrance par laquelle nous devons acquérir l’Intelligence du Cœur qui, elle, est le but spirituel de notre vie. Fonder l’existence sur le travail est aussi stupide que de fonder la société humaine sur le principe économique ».

            Le travail initiatique, par contre, fait partie du Devoir absolu du frère. Il est aussi vital que le souffle. S’arrêter d’agir est grave et mène rapidement à la mort initiatique. Tout arrêt est une mort. Chaque frère reçoit une ou plusieurs fonctions qu’il ne choisit pas et il doit les assumer jusqu’au bout, quelles qu’en soient les difficultés. Là est le fondement de la méthode initiatique. Mais il y aurait danger à confondre travail et effort dans le sens de peine. Le second terme n’est que quantitatif et exclut la joie et l’enthousiasme. En fait le mot travailler s’est substitué à ouvrer au 16ème siècle et son origine latine « tripaliare », torturer avec le « tripalium », prête à confusion.

            Nul ne peut être l’oisillon qui ne sait qu’ouvrir le bec afin d’être nourri. L’oisiveté  ne peut déboucher sur une transformation positive. « Le travail, c’est la santé », dit une chanson. L’homme est le seul dans la nature à reconnaître cette exigence, conséquence de sa raison consciente et prix de sa libération de l’ego.

            La réalisation de soi nécessite une activité constante et équilibrée sur tous les plans de l’être, jamais dans la facilité. L’initié est à la fois l’œuvrant, l’œuvre et l’outil. Ainsi se transforment les énergies pour faire vivre la création. La participation constante à l’Oeuvre du Temple est essentielle pour que ne diminue pas la lumière de la Connaissance. On comprend ainsi que la progression dans la hiérarchie initiatique ne puisse se faire à l’ancienneté. Celui qui ne travaille pas stagne ; définitivement.

            Aujourd’hui, le monde moderne a fait disparaître les tâches opératives ancestrales qui enrichissaient l’homme. La cérébralisation de l’activité empêche la main d’enrichir le cerveau par le contact avec la matière. Cela rend d’autant plus nécessaire de ne pas séparer l’activité spéculative et l’activité opérative, quelles qu’en soient les formes. Les deux sont liées et synergiques. La séparation de la main et du cerveau conduit à des déviations destructrices pour la conscience. En effet, la méconnaissance de la finalité de l’action conduit à une agitation mécanique, sans âme ni enrichissement. Mais ne fonctionner que mentalement entraîne la divagation du cœur-conscience. Percevoir ce que sont le Ciseau et le Maillet est essentiel, mais les regarder ne mène à rien. Il faut les saisir, agir, inscrire, manifester. La voie initiatique occidentale n’est pas contemplative ; tels des bâtisseurs, les initiés construisent sans cesse le Temple. Les rituels sont imprégnés d’outils, d’œuvrants, d’œuvre à poursuivre sous de multiples formes.

            Le travail concerne tous les grades ; il est donc saugrenu d’en faire un voyage du second degré (La franc-maçonnerie présente le cinquième par : « gloire au travail »). Tout commence avec l’Apprenti par le travail sur les symboles pour découvrir la pierre ; celle-ci a des formes multiples, dont le Temple. Tant qu’on n’a pas taillé la pierre pour la connaître, tant qu’on ne maîtrise pas les symboles, on ne peut aller au-delà. Cela nécessite une activité intense. Il faut frapper pour que la porte s’ouvre, poser des questions vitales pour recevoir, chercher avec méthode pour espérer trouver.

            Puis le Compagnon doit s’investir beaucoup plus pour percevoir les lois de la création. A la Maîtrise, le travail ne cesse plus et devient source de vie. Plus on s’active sur tous les plans de l’être, plus on se libère, notamment d’une vision égocentrique du monde.

            Le travail trouve une expression achevée au sein d’une communauté fraternelle. Communautaire, il va au-delà de la somme des travaux individuels et fait naître l’Homme Zodiacal. Ainsi apparaît une magie opérative qui rend alchimique l’œuvre accomplie, à la condition stricte que chaque frère ait donné le meilleur de lui-même et l’offre sans réserve. Chacun agit sur lui-même, par lui-même, mais jamais pour lui-même. Là est toute la différence entre un club et l’initiation où l’on travaille à la seule gloire du Grand Architecte de l’Univers (et donc pas à celle du travail).

            Il s’agit simplement de percevoir Sa pensée et de la manifester sous une forme. C’est pourquoi la production annuelle d’une Communauté initiatique est offerte au Feu à chaque Saint Jean d’Eté afin que l’Oeuvre achevée meure et renaisse.

            L’initiation est un métier précis et exigeant. On ne doit œuvrer que selon le mythe (d’où les rites), avec les bons outils (d’où les symboles) et l’aide des trois piliers. L’action est toujours efficace si elle s’organise en Sagesse, Force et Harmonie.


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