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I.5.b L’ENERGIE (permanence; pragmatisme, efficacité, destruction; certitude, rationalité)

          Situons ce chapitre, deuxième aspect du Lion ; c’est celui de l’aspect Force et il concerne ce que l’homme peut faire de cette énergie. Le Lion est le symbole de l’être qui maîtrise l’énergie, l’utilise efficacement avec économie et qui est sûr de lui, peut-être trop, sombrant alors dans l’apparence. Détaillons cela après avoir préciser ce quest pour nous cette énergie.

          Ce mot vient du latin vulgaire « energia », lui-même issu du grec ancien ἐνέργεια / enérgeia. Ce terme grec originel signifie « force en action », être en plein travail, par opposition à δύναμις / dýnamis signifiant « force en puissance ». L’énergie est donc plus que le travail, c’est une activité supérieure, une puissance active, qui peut générer de la dynamique, points essentiels à toute démarche initiatique : sans travail, nous n’avancerions pas et sans génération de dynamique, nous nous épuiserions. Dans une approche pragmatique, Aristote a utilisé ce terme « au sens strict d’opération parfaite » pour désigner la réalité effective en opposition à la réalité possible. Tout ce qui est vivant a besoin d’énergie pour exister. Mais tout cela concerne l’homme.

          Plus largement, il y aura toujours un feu qui brûle, celui de la Tradition. Même si en apparence il est éteint, il peut toujours rejaillir et renaître. Toutes les traditions parlent de l’Énergie à l’origine du tout. Que ce soient dans les traditions égyptienne, chinoise, indienne ou hébraïque, il y est question d’une énergie primordiale qui est le point de départ de la vie. Par exemple, le Tao est la « Mère du monde », le principe qui engendre tout ce qui existe, la force fondamentale qui coule en toutes choses de l’univers. C’est l’essence même de la réalité, par nature ineffable et indescriptible. Le Tao peut être considéré comme la matrice générant le Qi ou souffle originel, précédant la parité binaire du yin-yang, le Qi étant l’énergie originelle, en quelque sorte la vie. Pour nous, il s’agit de l’incréé, de l’océan des origines d’où tout est issu. Telle est la pensée créatrice et spirituelle qui baigne l’univers et constitue le matériau premier de l’initié. Les scientifiques disent la même chose, affirmant que l’univers n’est constitué que d’énergie : l’énergie noire serait pour nous l’incréé, immense océan primordial ; elle peut se condenser en matière formant la matière noire qui est l’invisible et éventuellement en matière visible. Le vide quantique, nous dit la science, est un bouillonnement d’énergie ; il est complètement dépourvu de matière mais donne naissance à la matière. Pour nous, tout être, à sa naissance, reçoit une parcelle de cette énergie universelle que nous appelons Esprit et qu’il ne doit pas gaspiller. Cette petite lumière en nous ne demande qu’à croître, pourvu que nous nous en donnions la peine et la possibilité. Cette énergie qui nous entoure est la vie divine qui nous traverse en permanence sans s’attacher à notre individualité, mais que l’on peut utiliser par les arts initiatiques, sans pouvoir la garder. La vie sans énergie est inconcevable. Nous baignons en elle sans la voir et sans pouvoir l’expliquer. Nous y sommes sensibles à certains moments, ce qui nous permet de nous recharger, voire de nous en nourrir. Elle nourrit ceux qui en ont besoin, les végétaux, les animaux comme les humains.

          Les manifestations de l’énergie reposent sur les quatre éléments : la Terre, l’Eau, l’Air, le Feu et leur quintessence. En Chine, la Terre, l’Eau, le Feu, le Métal et le Bois expriment la même chose. L’Égypte avait une approche identique dans la théologie héliopolitaine, se basant sur l’Ennéade : Atoum-Rê, seul dans l’océan primordial (le Noun), produit le premier couple Chou (Air)-Tefnout (Eau) qui produit le couple Geb (Terre)-Nout (Feu) ; ce premier Quatre, supérieur, idéel, primordial correspond au carré, c’est à dire au début de l’existence manifestée.

          Pour nous, la Loge est un foyer de concentration d’énergie ; on peut s’y régénérer à proportion de notre capacité à donner, contrairement au monde profane qui disperse en permanence. En fait, la fonction d’une communauté initiatique est de reconnaître par la conscience une énergie particulière, celle qui circule dans la Loge à un moment donné, de la recueillir, de la stabiliser et d’en faire un monument (monument en Égypte, se disait « Menou », de « Men » = stabilité et 3 vases « Nou » d’énergie primordiale, ceux qui sont en haut de nos colonnes), une œuvre qui unit le Ciel et la Terre. Notre matériau est l’énergie spirituelle, la pensée créatrice. Le travail que nous faisons nous permet d’avoir la certitude que la Communauté est un lieu puissant d’énergie où celle-ci circule et où elle se crée. L’abandon de l’égoïsme est nécessaire pour faciliter sa circulation : ne plus penser pour soi, en fonction de soi, mais pour et en fonction de l’autre, du désir de partage avec l’autre. C’est l’expression de l’Amour. Autrement dit, on peut considérer qu’Amour et Énergie peuvent être confondus. En fait, l’Amour est l’énergie spirituelle qui emplit l’Univers. C’est la plus universelle, la plus formidable et la plus mystérieuse des énergies.


          Incréée, elle est donc permanente. Selon Clément d’Alexandrie, « Pour la grande masse des esprits, le principe de la vie et de l’intelligence dans l’Univers, l’essence divine, était le feu. Les cônes, les colonnes, les pyramides étaient les symboles de l’immutabilité et de la permanence de la lumière, c’est-à-dire de la divinité » (La Pierre Cubique à Pointe », Jeanne Leroy, Maison de Vie Éditeur, 1995). La constance est un attribut essentiel du Tao : « Connaître le constant, illumination. Ne pas connaître le constant, c’est courir aveugle au malheur » (Tao Te King 16). A la porte des temples égyptiens se trouvaient deux lions nommés Aker, « Hier » et « demain » ; entre eux se trouvent la porte de l’Instant de Création, du lieu de la transmutation, de la Douat. « Hier » regarde l’Occident, ce qui rentre dans la Douat ; l’autre « Demain » regarde l’Orient, ce qui sort de la Douat. Par eux l’éternité des cycles et l’éternité de l’instant communient.

          Dans le domaine de la manifestation, la permanence ne consiste pas à inscrire la pensée dans la fixité. Parce qu’il existe mille et une manières de dire, la permanence est la capacité pour une communauté à agir à l’identique du Principe créateur et faire rayonner l’œuvre divine dans les formulations les plus diverses. « C’est par la capacité de renouvellement que la Loge naît en permanence et peut transmettre l’initiation » (Les Valeurs Initiatiques , Loge Heptagone, La Maison de Vie, 1995). Cela se manifeste par une reformulation permanente et une expression des principes de création au travers de toutes les disciplines artisanales en capacité de manifester et de révéler le sacré. Depuis la nuit des temps, les communautés initiatiques ont toujours agit de la sorte en proposant à tous des œuvres en capacité d’éveiller et de dilater les cœur-consciences. Il est donc possible de dire que la permanence initiatique est pour l’initié cette volonté de naître et de renaître chaque jour à la vie spirituelle, de rechercher la Connaissance en participant aux travaux de sa Communauté et à la mise en œuvre concrète de ses devoirs initiatiques. Et c’est le rôle de l’alchimie de durer éternellement, dans le sens de l’intemporalité de l’œuvre, porteuse de l’esprit principiel. La permanence que montre le Lion est l’accomplissement de la durée dans le sens d’éternité par le rituel.

          Mais une énergie manifestée doit se renouveler sans cesse pour que le feu ne s’éteigne pas. Une de ses caractéristiques est quelle sépuise ; cest lentropie, sa dégradation inéluctable dans tout système fermé. La Loge se doit de maintenir ce feu en permanence. Le rituel rappelle que l’énergie de la Communauté initiatique s’épuise et qu’il nous faut réunir ce qui était séparé. De fait, toute dispersion est épuisement alors que réunir concentre les énergies et les régénère. Cest ce que nous faisons par le vécu du banquet fraternel qui est un acte d’amour par excellence, avec le partage des nourritures matérielles, la participation et le vécu des frères. L’énergie consommée devient source pour reconstruire, à la fois spirituelle par le Verbe via la parole enrichie des travaux, et matérielle, par la transformation (ou transmutation) des aliments, fruits de la nature agissante. Cest le rituel qui non seulement nous permet de sacraliser nos actes et nos pensées, mais nous permet également de nous recharger en énergie. Isolé, celle-ci nest pas durable et nous nous épuisons ; nous mourrons sans vivre, c’est à dire sans connaître. Nous avons pris conscience, un jour, que seuls nous n’avancions pas, et qu’il nous fallait nous rapprocher des autres, de nos futurs frères et trouver une structure qui nous permette d’avancer : une Communauté initiatique. En nous réunissant, nous rassemblons des énergies qui se consumaient auparavant à perte. Dans le rituel d’ouverture des travaux en tenue principielle, il est dit par le Second Surveillant : «  Qu’une lumière venant de l’Orient, illumine ce lieu et éclaire les Frères sur le travail qui les attend ». La Lumière est l’expression de l’Énergie primordiale. Les scientifiques disent d’elle qu’elle est à la fois corpusculaire et ondulatoire. Nous pouvons également dire qu’elle est et qu’elle n’est pas. Elle est car corpusculaire et n’est pas car ondulatoire.

          Dans un sens, l’initiation permet la fusion et la synergie des énergies ; il ne sagit pas dune simple addition ; il y a mise en action dans un plan organisé qui ne demande qu’à être animé. Chaque initié prend la place qui lui a été attribuée et le moteur de la communauté peut alors fonctionner, participer à l’énergie de l’univers. En connaissant le rôle qui nous a été confié et le travail à accomplir, nous pouvons agir efficacement pour créer un carburant et que le vaisseau qu’est la Loge, continue son voyage.

          Comment fonctionne le rituel pour que lénergie se maintienne dans la Loge ? Le Vénérable Maître, médiateur entre le Ciel et la Terre, porteur de la nature du Principe transmet l’énergie à la Loge comme au nouvel initié lors du rituel dinitiation, en particulier par l’épée flamboyante. A partir de lui, les fonctions la distribuent dans la Loge. Elle circule alors parmi les frères et se manifeste clairement dans le tracé du Tableau de Loge qui rend vivant les symboles ce que ne permet pas le simple déroulé d’un tapis de loge. Toute la communauté est dans un moment de méditation. Un des autres instants importants du rituel est la chaîne d’union, symbole de la communion avec l’Unité principielle. Il y a formation d’une unité incorruptible. Il n’y a plus qu’un seul être constitué d’énergie pure et reconstitution de l’homme zodiacal. Chaque maillon de la chaîne des frères (ou des sœurs) est un transmetteur d’énergie, un relais.

          Les vases en haut des colonnes sont pleins d’énergie primordiale ; en sortant du temple couvert, on y restitue l’énergie accumulée dans le temple et on s’en charge en même temps pour poursuivre l’œuvre à l’extérieur. Tout passage entre les colonnes revient à se placer dans un espace hautement énergétique, une forme de condensateur. Ne vient-on pas se ressourcer par le travail en Loge ? Combien de fois, arrivés fatigués, nous nen ressortons pas rechargés, heureux ?


          Dans tout cela, la Loge se doit dêtre efficace et donc pragmatique, c’est-à-dire adaptée à la pratique de l’action et à sa réussite par une attitude volontaire et dynamique à tout moment qui donne des résultats conformes à lintention et qui provoque des prises de conscience. La pratique est indissociable de l’enseignement et doit se vivre au quotidien. Arriver à une pratique spirituelle stable, ni tourmentée par les difficultés ni exaltée par le succès, n’est pas une indifférence. Cela suppose de savoir manier ces deux matériaux que sont le visible et l’invisible, pour pouvoir donner une forme au Verbe créateur par la parole. Être efficace, cest réussir à équilibrer la formulation du visible et de l’invisible dans chaque œuvre, par la maîtrise du feu intérieur, en effectuant le bon geste, au bon moment et dans le bon matériau. Lénergie maîtrisée, fournie à bon escient et en connaissance de causes, en fonction de ce qu’elle peut produire sans dissipation stérile, permet l’acte juste au moment juste. Elle doit être canalisée dans la bonne direction ; il en va de la bonne démarche de la Loge et de sa vie harmonieuse. Cela nest possible que dans le respect de la Règle, avec détachement sur le résultat de laction ; il est nécessaire de s’abstraire de toute considération personnelle dans la réalisation de l’œuvre pour qu’elle soit harmonieuse. La Règle est créatrice et dispensatrice d’énergie par sa découverte, par son développement par chacun, par son vécu. Elle a pour fonction de libérer les êtres de leurs contingences individuelles, de les amener à formuler pour au final maîtriser et réunir les énergies afin d’exprimer le meilleur d’eux-mêmes. L’efficacité naît de notre capacité à maîtriser notre individualité et à faire que notre feu intérieur soit créateur, que nous soyons en capacité de tout donner tout en restant en conformité avec notre engagement envers la Règle. Ne pas maîtriser ses actes, ou ne pas savoir les orienter à dessein, peut non seulement générer une perte énergétique stérile, mais peut également avoir des effets destructeurs. Chaque acte a des conséquences qu’il faut savoir maîtriser. La frontière entre ce qui est harmonieux et ce qui est néfaste est parfois ténue. C’est pour cela que les Apprentis sont au silence, car ils ne savent pas encore maîtriser la force de la Parole. Il nous faut toujours en revenir à la Règle qui nous guide sur la manière d’agir et sur l’énergie à utiliser pour y arriver.

          Mais pour être efficace, il faut être ferme et constant ; la Force est la base solide sur laquelle la Sagesse peut s’édifier. Le rituel nous dit que « la Force anime », source de mouvement. Elle est, en effet, le principe dynamique de la Ternarité originelle. Elle est l’énergie manifestée du Principe et sans elle, la création resterait une nature morte. Dans la notion d’énergie, on peut distinguer deux types : l’énergie potentielle (elle-même composée de l’énergie reçue et de l’énergie intrinsèque) et l’énergie active. L’énergie potentielle est une énergie de réserve qui pourra ou non se concrétiser en acte. L’énergie active est une matérialisation de l’énergie potentielle, notamment au travers de la Force. Elle est consommée ou transformée dans les travaux et fait émerger l’œuvre. L’énergie est donc consommée constamment, donc elle doit être toujours alimentée pour permettre l’acte en tout temps et en tout lieu, notamment en Chambre du Symbole, du Trait ou du Milieu, ou en Tenue. De son utilisation dépendra sa force de création ou de destruction.

          Le symbolisme du signe du Lion est très riche. C’est d’ailleurs la lionne qui est le principe actif dans de nombreuse traditions : « Une des plus anciennes représentations de ce signe montre une lionne portant le soleil sur son dos » (Astrologie pratique simplifiée. James Cluny. Édition du Rocher). Le Lion permet l’incarnation de l’énergie principielle. Ce symbole d’une énergie transmutatrice atteindra sa perfection en conscience dans le Verseau, signe complémentaire du Lion (Le Zodiaque ; M. Sénard ; Éditions Traditionnelles). Le Principe créateur se réalise donc dans sa corporalité dans ce signe qui est le gardien du feu éternel. Le Lion est défini comme le Roi des animaux. Il ne faut pas prendre ce terme d’animal dans son sens usuel mais dans son sens premier. Animal vient de Anima, ce qui est animé, ce qui est en vie ; le Lion est donc le Roi de ce qui est porteur de vie ; il est « le premier en puissance et en qualité des êtres animés, des êtres qui ont une âme » (Le Zodiaque ; M. Sénard ; Éditions Traditionnelles). Les médaillons de nombreuses cathédrales montrent les signes du zodiaque et sont souvent alors doubles : le signe lui-même et les travaux agricoles de la période. Pour le Lion nous avons d’un côté l’image de l’animal, gueule ouverte, et de l’autre nous voyons un paysan affûtant sa faux. C’est l’époque des moissons, et la gueule du Lion est prête à déchiqueter ce qui est ou n’est pas à sa convenance, nourriture comme ennemis. D’une autre côté, la faux va bien sûr couper le blé mais elle va aussi permettre de commencer la séparation de ce qui va être gardé et de ce qui va être rejeté. Il faudra alors séparer le bon grain de l’ivraie, et ne pas détruire le bon grain qui est source d’énergie et de sa perpétuation sous prétexte d’ambitions personnelles ; cela est vrai, tant pour un individu que pour une loge. Une fois détruit ce qui est périssable et inutile, l’Épi, signe de la Vierge, pourra alors apparaître et ainsi prolonger l’aspect vital du Lion.

          L’efficacité va donc avec l’utilité et ces deux notions ne vont pas sans l’humilité. Une action inefficace ne sert à rien et il est parfois nécessaire de savoir la détruire. Il faut faire attention de ne pas détruire l’utile et de ne pas conserver l’inutile, de savoir les distinguer. Le rituel de table indique : « Les Maîtres savent que celui qui parle au sein de la loge doit lui donner l’énergie de la Connaissance. L’usage du Verbe est plus difficile que tout autre travail. Qu’ils ne confondent pas une chose avec une autre ».

          Le feu destructeur est ainsi nécessaire à condition de ne pas s’y arrêter car la destruction est toujours de l’ordre du multiple avec un risque de détruire le Feu créateur, le désir spirituel. Si à la Saint Jean d’été, nous brûlons le travail accompli au cour de l’année, il s’agit d’un don au Feu qui n’est pas un acte de destruction mais simplement un terme pour permettre un renouvellement, une mort pour créer à nouveau.

          En fait chaque frère a besoin dune énergie qui diffère selon les grades pour adopter une posture pragmatique qui nécessite écoute, constance et adaptation permanente aux épreuves que nous offre la vie initiatique. Chacun, en fonction des Nombres qui lui sont connus, en a une approche différente mais complémentaire. Mais il leur faut savoir la reconnaître. Cest pourquoi le rituel de table le précise et notamment pour les Apprentis : « S’ils sont capables d’entendre ce que proclame le Devoir, ils découvriront le chemin de Vie ». Le Devoir est l’action fondatrice de tout initié car il permet d’avancer sur le chemin vers l’énergie primordiale. Dès son entrée dans le Temple, le frère se coltine simultanément aux deux formulations indissociables du Principe que sont le créé, visible et invisible, et l’incréé avec les différentes énergies quils recèlent.


          Il résulte de la maîtrise des énergies une forme de certitude. Cela demande quelques précisions.

          Le Vénérable Maître est la force zodiacale du Lion par excellence, une force qui est certitude sur le travail à accomplir. En effet, le Lion ne doute pas de ses capacités à être le Roi, celui qui prend les décisions, légifère et agit. Il doit donc être sûr et certain de ses choix. La certitude qui nous intéresse ici est celle qui concerne le domaine ésotérique. Le monde invisible et l’incréé ne sont ni explicables, ni analysables, ni mesurables, ni démontrables. Nous pouvons leur accorder plusieurs définitions, plusieurs significations, mais tout cela n’est que réflexion, intuition, ressenti et vécu. La raison y est donc impuissante ; par exemple, elle veut expliquer un symbole au lieu de se demander en quoi l’être est relié à ce symbole ; on ne peut qu’en faire l’expérience. La certitude de l’initié résulte de la connaissance du cœur, de l’intuition. Alors, il expérimente la voie proposée par les anciens ; elle marche ou non, le satisfait ou non. Dans la négative et s’il a suffisamment persévérer, il doit alors passer à autre chose : cette voie n’est pas pour lui. C’est le seul moyen pour avancer dans l’inconnu. Sur ses intuitions, il utilise alors la raison comme faculté de contrôle et de formulation ; et non l’inverse, c’est-à-dire la raison d’abord. Remarquons que tous les vrais scientifiques agissent ainsi. Il ne s’agit donc pas de considérer que notre démarche est une voie de rationalité, mais il est nécessaire de ne pas l’occulter car elle est utile pour être compris à partir du moment où nous évoluons dans un monde où les règles de la raison ou de la logique s’expriment.

          Fulcanelli (le Mystère des Cathédrales) associe le Lion au feu Fixe, au soufre. Pour que ce soufre soit utile à l’Œuvre et qu’il puisse s’unir au mercure, la Lune alchimique, il lui faut être percé par l’épée du chevalier. La Mort doit être vaincue et dépassée par la naissance que nous aborderons dans le signe suivant, celui de la Vierge. Ainsi, la certitude doit être transmutée par le fer, par Mars, parèdre de Vénus, par le feu de la Règle, et devenir Foi, seul moyen d’entendre le Verbe. Toute certitude mentale aurait trop de risque d’être pervertie par des considérations analytiques erronées ou psychologiques.

          Jung précisait que : « Rien ne garantit à aucun moment que nous ne tombons pas dans une erreur ou dans un danger mortel. On pense peut-être qu’il y a une voie sûre ; or celle-ci serait la voie des morts ». Dès lors, pour agir, à nous de nous déterminer, quitte à changer d’action ensuite. Il faut avoir suffisamment de Foi pour aller au bout d’une démarche, que ce soit en famille, dans le domaine professionnel…, dans tous les domaines où la raison est impuissante. La certitude dans nos actions est là pour impulser nos actes ; la réalisation ne doit faire l’objet d’aucune réserve. Il faut agir pleinement ou ne pas agir du tout.

          « Si on commence avec des certitudes, on finit avec des doutes. Si on commence avec des doutes, on finit avec des certitudes » (Francis BACON). Cela signifie que le doute fait partie intégrante de la boîte à outils de l’initié engagé sur la voie de la Sagesse. Mais il doit se centrer essentiellement sur des questions et cela à condition d’apprendre à les formuler avec pertinence. Il doit être constructif et être en toutes circonstances un préalable au questionnement. Si la question est bien posée, que nous savons écouter notre cœur-conscience, alors la réponse construite sur la base d’une expérience vécue et pratiquée en compagnie de ses frères sera nécessairement juste. Notre Règle initiatique, véritable recueil d’expériences et de formulations de la lumière par des frères qui nous précèdent sur la voie, est d’ailleurs très précise sur ce sujet : « A toute question posée de manière vitale se trouve une réponse dans la Règle ». En se construisant les uns par les autres, les frères de la Communauté initiatique confrontent, éprouvent leurs questions et construisent ensemble avec le cœur des réponses communautaires qui prennent la forme de rituels et de symboles, qui sont autant de formulation qui permettent d’aller au-delà du « raisonnable » et de côtoyer le mystère. Jamais ces essais de réponse ne doivent provoquer un arrêt des questions. C’est de cette manière qu’une conscience collective prend forme, se construit et se développe au-delà des individualités et ainsi permettre un retour vers la Cause. Castaneda nous offre une technique : « Chaque fois que le doute te tenaille, combats-le de manière pragmatique. Éteins la lumière, perce l’obscurité et observe ce que tu vois ».

          Par le signe du Lion nous entrons dans le monde de l’intellect qui n’est pas encore l’intelligence créatrice. L’intellect permet de séparer les choses alors que l’intelligence créatrice permet de rassembler ce qui est épars afin de créer une création vivante. Nous sommes ici en présence du Solva alchimique ; mais pour que ce Solva soit efficient il nous faudra trouver le Coagula alchimique. Cette rationalité du Lion qui est l’usage de la raison, n’a d’intérêt que si elle se construit sur la base d’expériences confrontées à la vie communautaires, vécues au cœur même de la Loge. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les mots dérivés du mot grec « Logos » ont le sens de Verbe, discussion, raison, rapport, mesure, relation... Si la rationalité est l’aptitude à raisonner, elle peut par exemple nous amener à un entendement de ce qu’est l’énergie de la façon la plus ouverte, la plus large et la plus unifiante, sans nous enfermer dans une quelconque définition. Si l’on tente d’expliquer ce qu’est l’énergie incréée de manière rationnelle, on risque de passer à côté de son universalité et de sa nature.

          La rationalité initiatique, celle du cœur-conscience, de l’intuition, empêche la communauté de sombrer dans le rêve, de rester bloquée dans des mondes intermédiaires. Nous devons entrer et sortir, aller dans linvisible pour quérir l’énergie de l’origine et en sortir pour la formuler ; tel est notre devoir dans la tradition des bâtisseurs. Cette rationalité se situe au niveau de la ration et donc du salaire. Le viatique d’apprenti du R.I.T.E. nous dit que « Le salaire est la perception du divin, proportionnelle au perfectionnement graduel de soi-même ». Percevoir le divin est notre récompense. « Salarium » en latin, est la ration de sel, ou l’argent pour acheter le sel. On peut donc considérer qu’il s’agit ici de la perception du sel initiatique. Le sel de la Sagesse est le symbole des nourritures spirituelles ; il est l’enseignement de la loi divine. Il révèle le secret de toute chose et rend la formulation lumineuse.

          A travers les fonctions et les grades de chacun, le Vénérable Maître est en charge de rationaliser la Loge et de percevoir dans son ensemble le salaire perçu par chacun. Il a la capacité de voir où elle en est dans son approche du divin. Il est le garant et le responsable de son harmonie et de l’énergie ainsi produite.

          En conséquence, le sel recueilli est comme un fruit d’été que l’on déguste.


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