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I.12.a.2 L’OCEAN (la sensation, la sensibilité, le syncrétisme)

         L’Océan, comme nous l’avons vu au chapitre précédent, n’est pas celui que nous voyons dans la matérialité. Ici, c’est l’Océan dont parle Théodore Schwenk dans « Le chaos sensible ». Il est dit, dans l’avant-propos de ce livre, que les philosophes de la nature voyaient dans l’eau de cet océan un « universel » non encore fixé mais qui reste à modeler, un « indéterminé pourtant déterminable », un « chaos sensible ».

          La démarche initiatique nous guide sur une voie dans laquelle nous changeons notre manière de percevoir l’Univers, pour nous ouvrir à des plans auxquels nous n’avons pas accès en tant que profane, ou de manière très limitée : le monde de l’invisible et de manière indirecte, le monde de l’incréé.

          Pour percevoir ces mondes, la démarche initiatique s’appuie sur la Règle qui, lorsqu’elle est respectée, permet à la Communauté initiatique d’ouvrir les portes qui mènent à la Connaissance. Pour cela, nous devons utiliser toutes les facultés dont nous disposons, et au-delà de notre intellect et de nos sens matériels, notre intuition et notre capacité à utiliser tous nos sens immatériels pour créer une pensée du monde, synthèse de nos perceptions. Il s’agit donc bien ici de l’Océan primordial, de l’incréé, domaine d’énergie pure.

          Il nous faut alors nous demander comment la sensation et la sensibilité peuvent nous aider à percevoir cet Océan, puisque la rationalité pure y est impuissante. L’expérience des autres traditions peut être très utile à la condition de ne pas tomber dans le syncrétisme. Sensation et sensibilité sont deux mots basés sur les sens. Il ne s’agit pas ici des sens matériels et humains qui, bien que nécessaires à la vie terrestre, nous limitent aux activités de la vie charnelle. Ils doivent être compris dans leur aspect universel et immatériel, issu de l’invisible. Le profane, lorsqu’il prend conscience de la parcelle de lumière qui est en lui, perçoit qu’il est en mesure de donner un autre sens à sa vie que son existence physique, ce que lui confirmera, ou tentera de le faire, l’Initiation. Il nous faut bien distinguer sensation et sensibilité.


          Le mot sensation peut être considéré dans son sens bouddhique qui pourrait se traduire par « la modalité du ressenti ». Elle est une synthèse non consciente qui nous permet de développer une approche de l’Univers mais surtout, en ce qui nous concerne, de sa partie essentielle qu’est l’incréé. Elle place les êtres dans le présent et les met en capacité de le vivre, mais aussi de recueillir des informations afin de les traiter dans l’instant. Elle est par nature innée et est à rapprocher de l’instinct qui s’exprime en l’absence de tout apprentissage et bien souvent refoulé chez l’homo sapiens. Elle est une prison si elle est mentale (avoir la sensation du déjà vu, par exemple) mais elle est ouverture si elle est capable de percevoir une énergie. La radiesthésie va dans ce sens.

          La sensation est un moyen de perception utilisant les émotions et les sens. Nos sens matériels et immatériels nous donnent sur le monde des informations que nous synthétisons et mettons en cohérence entre elles pour nous mettre en mesure de formuler notre compréhension du sacré et agir selon la volonté du Grand Architecte en accord avec la Règle. Nos sensations sont le résultat de l’action de chaque sens mais peuvent donner des perceptions qui sont parfois fausses ou perçues comme telles (« j’ai une mauvaise perception au sujet de… »). Elles sont pleinement efficaces quand elles s’appuient sur les sens immatériels qui sont source de la vraie sensibilité quand elles deviennent conscientes de leurs causes. En Initiation, les cinq sens matériels ne peuvent être utiles que s’ils sont tournés vers des perceptions immatérielles. Là est tout le paradoxe. La vue d’un symbole sur le Tableau de Loge, l’écoute des rituels et la parole des Frères, le toucher lors de l’accolade fraternelle ou lors de la chaîne d’union, le goût lors du partage du pain et du vin, sont autant de sensations proposées pour percevoir la pensée du Grand Architecte de l’Univers, car elles sont toutes reliées à la pensée symbolique. Ces gestes rituels ancrent ces symboles en nous en reliant la matière à l’immatériel. Ainsi s’imprime la magie de l’acte rituel dans notre corps et notre âme, et nous pouvons ainsi nous relier à l’Esprit.


          De la sensation à la sensibilité, il y a un lien naturel mais la deuxième est consciente contrairement à la première qui doit croître pour percevoir l’invisible. Il faut toutefois bien les différencier d’avec la sensiblerie, cette dernière étant exclue dans une démarche communautaire comme l’étoile que rien n’affecte mais qui est sensible.

          La sensibilité peut être abordée sous différents aspects. Tout d’abord, en tant qu’ouverture à nos sens, essentiellement immatériels ; elle est à différencier de l’intellect notamment. Certes, c’est par nos sens que nous percevons le monde ; ils alimentant notre cœur, et donc notre intuition (l’instinct rendu conscient) qui met en relation directe avec les choses non apparentes, en dehors du fonctionnement du mental. La voie du cœur s’ouvre et permet de se dégager d’une existence limitée pour accéder à l’univers de la Connaissance.

          C’est ensuite la notion d’appétence, notre désir de vivre la démarche initiatique au sein de la Communauté, selon la Règle, pour accomplir la volonté du Grand Architecte. Enfin, c’est la capacité à réagir de façon adaptée aux changements de notre environnement, du monde. Il s’agit donc de s’intégrer à la dynamique vitale.

          La sensibilité s’acquiert, se travaille et se construit dans la durée, et cela au travers de l’écoute communautaire et de ce que nous appelons symboliquement « participer à la construction du Temple » ; ainsi peut-on vivre le sacré ainsi que les aspects les plus subtils de la vie en esprit.

          Par cette pratique initiatique, chaque frère va développer une justesse de perception qui permet de nommer les êtres et les choses en pleine lumière, c’est-à-dire de voir la réalité des concepts, des fonctions ou des symboles et cela en dehors de toute contingence humaine, culturelle ou dogmatique. Et cela passe par le Verbe (issu de l’Océan) qui éveille ce qui est immortel en chacun. Tout ce qui est humain est périssable, profane et relève majoritairement de l’émotif.

          Il s’agit là d’un travail initiatique où les sens sont au service de la sensibilité juste et qui devient support et assise de l’intuition qui est, par définition, une évaluation globale et instantanée de la vie et du mystère. Cela revient à voir, entendre, toucher, sentir et goûter l’invisible, pour, au final, guider la Communauté vers l’authentique et l’Harmonie.

          La sensibilité de la Communauté initiatique est alors ouverte à une approche de l’invisible et de l’Océan incréé, du haut vers le bas et du bas vers le haut pour voyager sans limite. Elle se tourne vers ce qui est éternel. Ainsi s’ouvrent de nouvelles portes sur la pensée du Grand Architecte et son Verbe créateur, dynamique et toujours en mouvement.

          Cela doit mener à la pensée sans image. Les images relèvent du monde créé. Le Principe a une pensée à laquelle nous pouvons accéder par celles du Grand Architecte et de la Veuve, en utilisant l’intuition. Tout Frère dispose d’une sensibilité vraie grâce au rituel, mais il n’a aucun vrai contrôle sur elle ; elle résulte du travail, de la participation, de la présence…, en fait de tout ce qui transforme l’être dans sa dimension invisible, son âme.

          La pensée divine est un flux d’énergie, source de cohérence ; à nous de nous laisser traverser par elle pour aller à l’essentiel, au cœur des êtres et des choses. La sensibilité géométrique est le seul moyen connu pour voir l’éternité de la création et donc la pensée principielle. Elle donne une réceptivité à l’absolu qui n’est pas de ce monde mais relève de l’Océan incréé.

          Notre voie demande d’entrer dans la sensibilité de la Loge qui ne réagit qu’à l’incréé et l’abstrait. Les Tenues sont là pour cela, car elles font vivre l’Homme universel par la pratique du concept, au-delà de l’humain. Se dégager de son existence personnelle rapproche du divin : « C’est par cette sensibilité divine, non des yeux mais du cœur pur qui est l’intelligence, que Dieu peut être vu de ceux qui en sont dignes » (Origène, Traité des principes). Cela renvoie au Viatique : « Le symbolisme est la traduction sensible de la Connaissance ».


          Mais il reste à éviter le syncrétisme qui est un bien grand danger et qui consiste à passer d’un enseignement à un autre sans continuité, sans aller au fond. Par exemple, la tradition hébraïque est riche et profonde, mais si on la creuse rituellement dans notre démarche, on s’éloigne dans une ligne sinueuse. Toute synthèse de traditions est superficielle et mène à la dispersion. Cela revient à chercher de l’eau en creusant un peu partout avec le risque de mourir de soif, car l’Océan s’avère ainsi inaccessible. Il est illusoire de vouloir unir des rites et des mythes. Le syncrétisme est stérile. C’est l’équivalent de ne choisir dans une voie que ce qui nous convient ; c’est un poison spirituel.

          Chaque système a ses propres valeurs dans son contenu, dans son environnement, dans son contexte, dans son histoire ; aussi ne peut-on les comprendre si on les mélange avec d’autres. A force de vouloir trouver des liens entre tout et n’importe quoi, certains groupes, sans Règle ni Mythe de Création, en arrivent, par facilité, par pouvoir ou par vanité, à mélanger les traditions, à effectuer des associations hasardeuses entre les symboles ou les concepts, pour, au final, tout confondre, faute de savoir nommer les êtres et les choses en pleine lumière. C’est ce que l’on appelle du tourisme spirituel.

          Par exemple, dans le Reiki, une forme de syncrétisme a été mis en place, car le fondateur n’a laissé aucun élément sur lequel ses successeurs puissent s’appuyer. Il est donc devenu une espèce de melting-pot. L’approche orientale séduit souvent, mais reste mal comprise car peu approfondie, ne permettant pas alors à l’homme occidental d’avancer sur le chemin initiatique.

          La voie bouddhiste demande la même chose que la nôtre (celle des bâtisseurs) : le travail en profondeur. « Quand un méditant, pratiquant ardemment, ne néglige pas la faculté de compréhension profonde, ce sage comprend alors pleinement les sensations. Les ayant pleinement comprises, il se libère de toutes les impuretés dans cette vie même » (Pathamaakasa sutta).

          Ce qui compte est la compréhension des valeurs de chaque système, leur acceptation en tant que telles, et la recherche au fond de chacun de ce qui le relie au Tout, dans un esprit d’unification et non de séparation.

          Néanmoins, si toutes les traditions initiatiques insistent sur la nécessité de connaître sérieusement une voie particulière, elles demeurent ouvertes à ce que d’autres formulent. Aussi, nous cherchons à nous intéresser aux voies qui pourraient nous aider à nous donner de nouvelles approches, pour augmenter notre conscience du sacré. Nous tendons donc à enrichir notre démarche avec d’autres visions, d’autres perceptions, sans pour autant pervertir notre propre démarche, basée sur un mythe, un rite et une Règle.

          L’intuition, après de nombreuses années de pratique, finit par émerger et agir d’elle-même, tant au niveau individuel que communautaire. Mais, cela impose aux initiés l’humilité, l’opiniâtreté, le travail et la rigueur afin de leur permettre d’éviter les pièges du syncrétisme.

   

       Rassembler ce qui est épars, c’est-à-dire effectuer une synthèse entre tous les ressentis, toutes les intuitions, toutes les pensées et tous les moments magiques que la Communauté initiatique est en mesure de pouvoir formuler, aura pour résultat de lui permettre de retrouver l’Unité principielle, de se rattacher à l’Océan primordial d’où tout provient et d’être prête à entrer dans le don de vie ce que nous verrons au chapitre suivant.


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