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III.1 LA PENSEE

La Sagesse crée ; la pensée créatrice.

« Ce que j’ai entrevu dans ma patiente méditation, je me suis appliqué à le faire enregistrer par ma machine cérébrale, sans lui permettre de s’interposer »(Isha Schwaller de Lubicz. La lumière du chemin).

« Ce qui est le plus difficile, ce n’est pas de penser avec la primitive ingénuité de l’enfance ; c’est de penser avec la tradition, avec la force acquise, avec tous les résultats théorisés de la pensée. Or, l’esprit humain ne peut aller très loin qu’à cette condition : que la pensée de l’individu s’ajoute, avec patience et silence, à la pensée des générations »(Rodin).

 

          Connaissant mieux lHomme Universel et ayant perçu comment il sanime, nous pouvons maintenant voir comment il s’exprime par la pensée, la parole et l’action. Nous allons ici tenter de savoir ce qu’est la pensée initiatique, constater qu’elle est créatrice, essentiellement par son aspect ternaire, puis qu’elle peut nous servir à construire le Temple.

 

          Selon le dictionnaire, la pensée est définie comme une représentation psychique, un ensemble d’idées propres à un individu ou à un groupe, une façon de juger une opinion ou un trait de caractère, et qui recouvre les processus par lesquels sont élaborés des concepts que l’être humain associe pour apprendre, créer et agir en réponse aux perceptions venues des sens, des images, des sensations.

          Cependant, il existe de multiples formes de pensée. Sur le plan initiatique, il faut remonter au plus haut. La seule fonction du Principe n’est-elle pas de se penser ce qui amorce le phénomène de la création en donnant le Grand Architecte et la Veuve qui vont à la fois créer le monde manifesté et le régler ? Le Principe contient en lui-même toutes les idées, les germes de tous les possibles. Il les pense pour que le Grand Architecte produise le monde avec la matrice qu’est la Veuve. C’est l’équivalent de Brahman qui est la pensée de l’univers capable d’imprégner les êtres. Cette pensée est créatrice.

          Elle est un flux d’énergie continu qui nous traverse et que l’on peut utiliser ; c’est le Verbe qui est agissant. Celui-ci, en s’incarnant, peut être perçu par les pensées humaines si elles sont purifiées car certaines d’entre elles peuvent détourner du processus initiatique. Elles peuvent s’exprimer soit sous la forme d’une création, soit d’une écriture, soit encore d’un langage. Pour cela, nous devons la stabiliser dans celle du Grand Architecte par la Tradition et par ce qu’ont fait les Initiés passés à l’Orient Éternel mais toujours présents. C’est ce que propose saint Bernard : « On pénètre dans la pierre par la pensée et le désir ». Notre matériau est l’Énergie spirituelle, la pensée créatrice. Remarquons ici que le diadème du Vénérable Maître est là pour signifier que la pensée personnelle doit être substituée par celle du Grand Architecte qui peut ainsi s’incarner dans la loge. La calotte crânienne cernée marque la suppression de la volonté personnelle.

          La phrase du rituel : « La Sagesse crée » nous emmène à l’origine. Un rituel initiatique s’accomplit à la gloire du Grand Architecte de l’Univers bien sûr mais aussi à la gloire de la Sagesse. A la rose nord de la cathédrale de Laon, la Sagesse – en son nom de Philosophie – est représentée au centre d’un cercle d’où émanent huit rayons. La roue des sept Arts libéraux (plus la médecine) illustre le mouvement créateur, l’activité de la pensée créatrice mue par la Sagesse qui est au centre. Ces arts peuvent ainsi être perçus comme formant le corps de fonction de la Sagesse ; ensemble, ils font fonctionner la roue divine, permettant à la lumière de circuler d’un monde à l’autre, de relier l’invisible au visible. Hermann Hesse précise : « Les figures et les formules du jeu composaient, dans une langue nourrie de tous les arts et de toutes les sciences, une architecture, une musique et une philosophie dont le jeu et l’ambition étaient également d’approcher de la perfection, de l’être pur, de la réalité pleinement accomplie » (Le Jeu des perles de verre).

          La Sagesse n’est pas la création mais en est la matrice et l’instigatrice ; elle est associée à la nature féminine au travers de la Veuve, Isis, Hathor, Maât, etc. Cette matrice est la garante du Principe de création dont elle est l’enceinte. Dans la tradition chrétienne, le Christ est souvent représenté siégeant sur les genoux de sa mère, la Vierge Marie. Celle-ci a reçu de nombreux noms comme le Trône de Dieu, la Voie royale. Dans son Sermon 2 Maître Eckhart nous dit : « Notre Seigneur Jésus Christ monta à un petit château fort et fut reçu par une vierge qui était une femme ». La Vierge qui reçoit Jésus est ce château fort qui préserve la Parole divine, le fils, afin qu’il devienne Jésus Christ, le porteur de cette Parole. Maître Eckhart ajoute : « Lâme a deux yeux, un œil intérieur, et un œil extérieur. L’œil intérieur de lâme regarde vers lessence et la reçoit directement de Dieu ; cest l’œuvre qui lui est propre. L’œil extérieur de lâme se tourne au contraire vers toutes les créatures et les perçoit en image ». « L’œil dans lequel je vois Dieu, est le même œil dans lequel Dieu me voit. Mon œil et l’œil de Dieu sont un seul et même œil, une seule et même vision, une seule et même connaissance, un seul et même amour ». La Sagesse est entre ces deux mondes ; elle entoure le monde intérieur et regarde le monde extérieur tout en l’entourant également ; elle est pareille à la sphère terrestre et à la sphère céleste, générant et englobant. Elle est cet œil dans lequel se trouve la pupille ; elle permet à la fois de voir et de créer. L’œil est comme ce château fort et en lui naît la pupille, la pensée créatrice porteuse des rayons qui émanent de ce lieu de Sagesse. Milieu matriciel pur, la Vierge est l’assise, le trône du Verbe. Vierge et Sagesse répondent alors du même archétype qui permet à la lumière de s’incarner.

          Le Nombre Sept est associé à la Sagesse (« La Sagesse qui était de Dieu et qui était Dieu, venue à nous au sein du Père, s’est construit une demeure, dans laquelle il a taillé sept colonnes, et cette demeure est sa mère » dit saint Bernard). En Égypte ancienne, les ouvertures de la tête devaient être rituellement ouvertes afin d’être animées. N’existerait-il pas un lien entre le Sept des théologiens, les sept arts libéraux et les sept ouvertures de la tête, ce Nombre exprimant la faculté de donner la vie et de la recevoir ?

 

          Tout phénomène créatif prend son essence dans une pensée qui est la résultante d’une forme de fécondation de notre conscience par le souffle divin. En hiéroglyphe, pensée s’écrit « kȝt » donc à partir du Ka, la puissance créatrice. Elle utilise donc cette énergie pour introduire l’esprit dans la matière (la pierre). En fait, pour nous, entrer en elle c’est entrer dans la chaîne d’union, moment de pensée pure ; quand la chaîne se disperse, nous retournons chacun à nos réflexions diverses. Comme il est dit à la Saint Jean d’Hiver, la Communauté initiatique exprime l’amour créateur, et unir nos pensées fait jaillir le feu créateur (Saint Jean d’Été). La pensée créatrice ne peut donc se vivre que dans une communauté initiatique et elle demande l’adhésion à la Règle divine qui régit l’univers. Elle porte également le nom de Conscience. Elle est souffle de vie. Par le rite et l’offrande, les puissances de la conscience sont unies pour reconstituer un être, une totalité. Cet être est la Loge ; tous les offices étant assemblés, ils sont au service de la Sagesse pour formuler et transmettre le Verbe à la Gloire du Grand Architecte de l’Univers.

          C’est par le rituel que la pensée créatrice peut s’exprimer dans le Temple à travers la Sagesse de l’origine. Pour entendre le Verbe, il faut être prêt et en capacité. Les rituels nous amènent à être à l’écoute du Verbe. Et c’est bien la Communauté qui est en mesure de le percevoir dans sa globalité et d’œuvrer à sa formulation. L’être individuel n’en n’a qu’une perception parcellaire et n’a qu’une capacité limitée pour le manifester de manière complète et harmonieuse. Pour se mettre en accord avec la pensée communautaire, il doit cesser d’être intellectuel pour être intuitif et transparent afin de rendre effective la formulation en harmonie avec la volonté principielle. Dans la pratique communautaire, il y a donc l’idée que nous recevons quelque chose qui tombe en nous, qui descend du divin. C’est une voie d’immanence. Le Verbe nous inspire et alimente notre intuition comme notre conscience. Le Verbe se répand dans l’univers, et nous le recevons pour ensuite le formuler. Le rite est une traduction symbolique de la pensée du Grand Architecte de l’Univers qui est conceptuelle et créatrice ; il décrit le Mythe de Création. Tout part du concept, de l’idée, du Principe, du Un caché en toutes choses. C’est par le concept que l’on peut avoir accès à la Connaissance, et donc avoir la possibilité de percevoir les Mystères de la création.

          Le sculpteur Rodin est célèbre pour sa statue du Penseur. La première version se trouve sur la Porte de l’Enfer (cf. image ci-dessus), créée en 1880. Il est caché au milieu de cette fresque. On le voit en haut, dominant des figurines déformées par la peur de la mort. Assis sur une pierre, son coude droit vient se poser sur le genou gauche. La main droite soutient la tête et suggère l’idée de la réflexion, de la méditation. Cette position peu commune, pas très confortable, presque impossible à tenir, donne à la sculpture en bronze tout son mouvement et son équilibre original. On peut interpréter cette position comme une volonté de croiser les énergies pour aligner les forces. Le droit rejoint le gauche. Il y a comme une inversion, même un illogisme à se positionner de cette façon. Entrer dans la perception de la Tradition est dans un premier temps inconfortable. Cela oblige à changer notre regard et demande de se déconnecter d’idées préconçues limitatives pour s’ouvrir aux concepts infinis de la Sagesse. La main du penseur qui soutient la tête semble être avalée par la bouche comme si elle allait chercher quelque chose à l’intérieur. L’agitation et les déformations des figurines autour de lui contrastent avec son immobilité dynamique. « …que la pensée de l’individu s’ajoute, avec patience et silence, à la pensée des générations » écrit Rodin.

          Créer, c’est faire naître ce qui n’existait pas encore, c’est faire venir à l’existence quelque chose à partir de l’océan des origines (et non pas du néant). La Sagesse est la Cause de toute création. L’Art royal ne produit pas des œuvres identiques ; lorsqu’une œuvre a véritablement été accomplie suivant ses modalités, on peut affirmer qu’il « n’y en a jamais eu de semblable auparavant ». A l’évidence, la pensée se doit d’être formulée en écriture, en langage ou en création. En effet, sans l’action, elle ne peut passer à l’existence ; non exprimée, elle ne vit pas.

          Nous utilisons donc des outils symboliques comme l’Équerre et le Compas pour façonner la pensée, la construire selon celle du Grand Architecte. Et nous avons besoin de la pensée ternaire ; en effet, en hiéroglyphe, « mt » signifie trois et penser, avoir l’intention de. La pensée humaine ne commence qu’avec le Trois. Elle est alors féconde comme l’indique « mt » qui s’écrit avec le phallus. Elle est fondamentalement symbolique ; elle nous absorbe et se concrétise par l’œuvre ; la cohérence de l’une est celle de l’autre. Sa méthode est fondé sur les trois Piliers Sagesse-Force-Harmonie. C’est par eux que le divin se manifeste. Pendant le rituel d’ouverture des travaux, pour percevoir le tableau de loge, le carré de la genèse, il faut illuminer les trois Piliers. Et c’est par une lumière venue de l’Orient Éternel que le pilier Sagesse ouvre le premier angle du carré long argenté. « La Sagesse illuminera nos travaux » dit le Vénérable Maître. La Sagesse est l’aspect conceptuel du divin ; elle crée. Elle est le lien qui nous relie au Principe de création qui, lui, est inaccessible. Elle est le feu qui déclenche, le désir de Connaissance, notre étincelle divine. Par le rituel d’initiation qui réanime cette étincelle, l’initié découvre la pensée initiatique fondée sur le ternaire et cela le relie à la Sagesse. Il doit changer de manière de fonctionner. Confronté à l’incompréhension de son cerveau, il doit se mettre en marche vers la Sagesse pour percevoir au delà de ses limitations profanes. Il ouvre ainsi son cœur et se tourne vers la Lumière de l’Orient. Le rituel d’initiation est bien un déclencheur pour changer notre mode de pensée et se rapprocher de celle du Grand Architecte de l’Univers.

          Cette méthode ouvre les voix de l’inspiration et nous relie au souffle divin, au Verbe. Par l’intuition, le cœur-conscience permet de vivre dans la conscience universelle et d’être à l’écoute de la pensée du Principe créateur qui a créé les mondes. L’étymologie du mot pensée, « pensare » ou encore « pendere », nous donne l’idée de « peser », d’« estimer », de « changer» ou de « juger ». La pensée ternaire permet de jauger une idée, une perception, pour la rendre formulable et la relier à la Sagesse. L’intuition, ainsi structurée, devient alors un moyen d’accès à la connaissance sensible des choses et des êtres. Il s’agit de retrouver l’enfance du monde, son essentiel, être en contact avec l’origine car à cet instant, on entre dans l’éternité ; le temps n’a plus d’effet, on est en acte de justesse. Et notre incarnation comme notre déterminisme ne sont alors qu’un véhicule parmi d’autres pour aller au delà et vivre en pleine conscience le mythe de création dans ses différents aspects.

          Tout cela s’appuie sur la démarche initiatique qui est une méthode communautaire et qui s’acquiert graduellement, par étapes. L’Apprenti découvre la pensée symbolique qu’il doit vivre et pratiquer. Tout symbole est une porte d’accès à l’unité, à la conscience universelle, à la tradition. Par l’Astrologie sacrée, il cherche la Sagesse cachée dans chacun d’eux et la manière dont ils sont reliés. Il s’aperçoit qu’ils sont les outils de construction du langage initiatique qui s’avère être le support de la pensée communautaire, voire le vêtement de celle du Principe. Le Compagnon découvre la pensée abstraite, sans image, qui se révèle dans la pratique de l’Orient et de l’Art du Trait. Par la Géométrie sacrée, il accède au divin caché dans la manifestation pour voir au delà des apparences. Il voit dans la Pierre Cubique la concrétisation de l’origine. Par l’exercice de ces deux pensées, symbolique et abstraite, l’initié peut s’orienter vers la pensée créatrice. La pratique de ces deux grades vécus en communauté est bien le Chef d’œuvre, acte de création qui participe à la construction du Temple et permet de frapper à la porte de la Maîtrise.

          Il en résulte que ce qui est formulé dans la Communauté initiatique enveloppe tous les frères et peut agir sur la réalité invisible, voire visible. Seule la pensée peut accéder à l’immuable et à l’invisible, et faire abstraction du temps comme attirer la lumière. On comprend ainsi que les concepts ne peuvent pas venir de l’expérience et encore moins du monde visible. Ils doivent certes se confronter à l’expérience, d’où la notion d’utilité, mais pas l’inverse. C’est ce qu’affirmait Einstein : « La pensée logique ne peut offrir aucune connaissance tirée du monde de l’expérience ; … Seule la voie spéculative peut nous aider à comprendre le monde ».

          Une communauté initiatique n’est pas la juxtaposition d’individus mais un croisement de désirs individuels orientés vers le sacré et aspirant ensemble à la construction du Temple. Alors, il est possible de produire un Temple de lumière. La Communauté initiatique met en œuvre la volonté du Principe, issue du Verbe, et peut formuler.

 

          L’initié est donc un penseur communautaire qui rend gloire au Grand Architecte de l’Univers, ce qui est symbolisé dans le rituel d’ouverture des travaux par l’acclamation écossaise et la chaîne d’union autour du carré de la genèse : « Que nos regards se tournent vers la Lumière ! ». Nos regards tournés vers le tableau de loge, vers la Sagesse, permet à la Loge d’œuvrer. Cet instant propose de nous nourrir de la Sagesse à sa source pour nous connecter à l’origine du mythe de création et formuler à travers nos travaux au sein de la matrice de création qu’est la Loge la pensée du Grand Architecte de l’Univers.

          Celle-ci dérive de celle du Principe. Puissions-nous l’approcher en nous appuyant sur la Sagesse, sur les Sept ouvertures de la tête, sur la tradition, sur les rituels, sur la Règle, pour la formuler dans la chaîne d’union par la parole qui circule !


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