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III.3 L’ACTION L’Harmonie exprime ; l’expression de la pensée. Le non-agir.

« Veillons sur nos actes pour ne pas omettre ce qui nous est commandé ni commettre ce qui nous est défendu » (saint Bernard).

« Tu es commis à agir, mais non à jouir du fruit de tes actes. Ne prends jamais pour motif le fruit de ton action… fais ce que tu dois faire, sans te permettre aucun attachement, l’âme égale dans le succès et l’insuccès » (Bhagavad Gitâ. Chant II ; § 47-48).

« Avant l’action, faire comme si elle était entièrement de l’homme. Après l’action, faire comme si elle était entièrement de Dieu » (Ignace de Loyola)

*

          « L’intelligence a fait son œuvre, choisissons les règles de l’action » (saint Bernard). Après la pensée et la parole, il faut agir, mais selon la Règle et selon un cycle continuel de ces trois points. On ne peut agir sans pensée ni rester en permanence dans la pensée car le devoir s’impose. L’action est l’expression dans le monde extérieur de la Connaissance acquise par la pensée et la parole.

          Nous allons voir que l’action initiatique sert à formuler la pensée du Principe de création. Cela passe par le rituel et le devoir pour donner une Œuvre qui témoigne de cette pensée.

          Mais tout d’abord, qu’est-ce que l’action initiatique ? Le phénomène de la création résulte de la pensée agissante du Verbe. Pour l’Égypte, le Verbe créateur était Râ et son nom s’écrivait avec la bouche et l ’avant-bras, c’est-à-dire la bouche en action (cf. image ci-dessus). Le Verbe prononcé est tangible et visible. Par conséquent, pour nous, l’action est création et est d’essence divine, tout comme doivent l’être la pensée et la parole. C’est l’art de la transmutation qui consiste à rassembler des éléments dispersés et à en faire quelque chose d’une autre nature ; c’est l’exemple que nous répétons à chaque tenue avec les rapports de travaux qui doivent aller au-delà de la juxtaposition des apports des frères ; ils sont plus connaissant que chaque frère ne le sera jamais.

          Ce type d’action est indissociable de l’amour. « L’activité assignée à l’homme, c’est d’aimer et de connaître » (Maître Eckhart). L’amour est un acte divin ; on ne peut que se préparer à le recevoir. L’amour sert à construire, pas à ressentir. Pour l’homme, il passe par la communion ; l’acte essentiel des frères est d’être ensemble, de travailler ensemble, de communier dans la fraternité. Chaque frère est un acteur mais n’est pas celui qui écrit la pièce, l’acte primordial. C’est une attitude orientée vers l’offrande, qui s’apprend à l’ombre du pilier harmonie et se pratique par le service de la Sagesse au travers de l’amour fraternel, à la fois par la confrontation et la conciliation des contraires, de manière humble et altruiste, avec équanimité, une tranquillité inébranlable d’âme et le repos de l’esprit.

          L’action dépendant du Grand Architecte de l’Univers, ce que nous tentons est à sa seule gloire. La Bhagavad Gitâ ne dit pas autre chose : « Rien qu’en me dédiant tes actes, tu obtiendras la perfection ». Devenir étoile permet de rayonner par les actes. Nous sommes les ouvriers du Grand Architecte pour achever la création. Cette harmonie du ternaire pensée-parole-action est un aboutissement qui parachève la création et exprime l’état d’équilibre qu’il y a entre toutes les forces de l’univers. Cette harmonie n’est pas fixité mais mouvement, changement permanent, équilibre par la conciliation des contraires. Elle naît des relations entre les rapports existant entre les extrêmes et les intermédiaires, par conséquent la proportion. Elle est la résultante dynamique de constantes mutations qui sont en équilibre, en complémentarité ordonnée. A l’ouverture des travaux en loge, quand le pilier Harmonie s’illumine, il est dit que les travaux porteront le sceau de l’Harmonie ; ce sceau est la clef de la création, qui permet d’ouvrir et de fermer l’espace de création, la région de lumière qu’est le Temple, le lieu de naissance de tous les possibles. Rompre ce sceau, c’est casser cet équilibre pour engendrer l’action en dehors de toute réaction.

          La Connaissance acquise par la Sagesse de la pensée créative et mise en mouvement par la Force de la parole, énergie active de transmission, s’exprime par l’Harmonie de l’action qui crée l’œuvre communautaire. C’est l’association, l’accord de ces trois piliers, qui permet à la création de s’accomplir, de rendre concret le Verbe issu du Principe par la formulation de la Communauté initiatique. L’origine du vrai acte est donc hors du temps et de l’espace, mais il se concrétise dans le temps et dans l’espace. L’Harmonie exprime le mariage de la Sagesse et de la Force dans un juste rapport ; ainsi s’exprime le mystère de la vie qui est l’Amour. « L’Univers est harmonie, puissance architecturale dans laquelle chaque élément occupe une place de choix ; la diversité ordonnée concourt à la beauté du tout » (M.M Davy, Initiation à la symbolique romane). Cette harmonie est d’essence divine et éternelle ; elle est intangible et sa découverte fait pénétrer dans le monde de la Connaissance. Alors nous pouvons faire vivre l’Homme Zodiacal pour qu’il s’exprime pour les hommes capables de l’entendre.

          Pour agir, à l’image du Grand Architecte, il faut passer par le rituel et le devoir. Une tenue est une réunion d’actes initiatiques ; elle met en œuvre le Verbe et fait utiliser l’énergie spirituelle. C’est bien la Magie, en tant qu’énergie, qui confère le pouvoir d’agir. Le rituel est l’accomplissement des gestes premiers, parfaits mais inachevés, qui président à la création, depuis toujours. Il agit dans le visible comme dans l’invisible. Le ternaire pensée-parole-action est analogue à la succession rituelle Orient-prologue de Jean-tracé du Tableau de loge ; cette dernière inscription est équivalente aux textes rituels inscrits sur les murs des temples égyptiens ; ils sont toujours prêts à être ranimer par un ritualiste, le texte se formulant par lui-même.

          Tout part de l’acte primordial qui est de réunir les trois Grandes Lumières ; cet acte alchimique rend perceptible l’invisible et permet d’y voyager. Cela ne fonctionne que si chacun tient compte exclusivement des fonctions qui lui sont attribuées : notamment l’Apprenti sert, le Compagnon formule, le Maître meurt, la Communauté crée. Le rituel donne le sens, l’orientation, notamment par la mise à l’ordre, « la mise en harmonie de nos idées, de nos sentiments et de notre comportement avec l’Universel et l’éternel » (viatique d’Apprenti). Tout part de là et il nous faudra toujours respecter cette mise à l’ordre puisqu’un frère ne peut s’exprimer qu’ainsi. L’action révèle alors la sagesse de la pensée. Toute action hors d’un cadre rituel est purement humaine et perd la vision de l’harmonie car elle se coupe de l’universel.

          Le rituel peut être minimaliste ; plus la conscience est forte, plus il peut être simple ; a contrario si la conscience est faible, les rituels sont compliqués et interminables. De simples gestes peuvent suffire ou même de la musique. Souvenons-nous du dernier entretien de Valet avec le Maître de Musique dans « Le jeu des perles de verre » de H. Hesse où le premier entame une conversation et finalement le Maître de Musique lui dit « Tu te fatigues, Joseph ». Valet comprit que ce dernier avait « quitté les hommes pour le silence, la parole pour la musique, la pensée pour l’unité » et qu’il l’accueillait dans sa paix et sa clarté, étant devenu une personnification de la musique. L’harmonie du rituel va au-delà des êtres qui construisent le temple et peut se passer des formules tant que les fonctions peuvent agir et se croiser. C’est la même chose dans les traditions primitives qui font un rituel en arrachant une plante ou tuant un animal et remercient la puissance qui continue à vivre. Le rite permet la continuité et chaque acte doit être ritualisé pour s’intégrer à l’édifice.

          Mais cela ne suffit pas pour concrétiser l’acte. Le devoir doit l’animer et non nos désirs, pour sortir de nos insuffisances, pour nous dépasser et nous approcher de l’universel sans nous préoccuper du succès ou de l’insuccès. D’ailleurs, qui peut être juge du succès ? Cela renvoie à la maxime de Guillaume le Taciturne : « Point n’est besoin d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». Le non-agir implique le détachement du fruit de nos actes, la fluidité, la souplesse et l’immédiateté face à la réalité, c’est-à-dire la certitude, l’aplomb et bien sûr l’absence de but. Le contre-sens de la Franc-Maçonnerie est de travailler à l’amélioration de l’humanité. Outre que c’est impossible en dehors du progrès matériel, « On ne peut parler du dao qu’à celui qui n’a cure de remédier au désordre du monde » (Huainan Zi). Donc, à chacun de faire de son mieux, au maximum, sans remords ni regrets, puis à laisser le résultat advenir qui ne nous appartient plus car il passe au-delà de tout aspect humain. Cela peut sembler le contraire de notre tradition de bâtisseurs. Mais c’est la même chose. Nous agissons en tenue ; le tronc de la Veuve circule dans l’océan énergétique de la loge ; il revient pur et sans taches ; on a formulé, créé un monde ; rien n’a été trahi ni souillé ; c’est bien ne rien faire tout en construisant. Le Tao en parle très bien : faire dans la Règle, agir suivant la nature et ses lois, non pas dans un immobilisme mais avec le simple refus de se laisser guider par des impulsions personnelles, puis effacer ses traces. Il ne faut pas que l’intention individuelle comme les désirs multiples viennent parasiter l’action. Il ne s’agit pas de ne rien faire mais d’agir en fonction de l’essence des choses, comme le fait la nature (Tao Te King 48 : « Il n’est rien qu’on ne fasse grâce au non-agir » et 63 : « N’agir que par le non-agir »). Tout cela avec une quiétude intérieure et en ayant perdu le sentiment de notre propre importance.

          On agit par et pour le devoir ; « fais ce que doit et advienne que pourra ». Seul le Grand Architecte maîtrise la finalité de l’action et nous guide par le Verbe du rituel. Il est dit qu’il est plus facile de faire son devoir que de le connaître. Il est plus facile d’exécuter en faisant ce qui est demandé que de diriger en connaissant l’œuvre à exécuter et le comment. Connaître le devoir, c’est entrer dans la Connaissance, dans la conscience, et ne se peut que communautairement. Les maîtres guident, dirigent, éveillent et doivent incarner le devoir ; il est plus facile pour un Apprenti ou un Compagnon d’obéir que d’amener un apprenti au Compagnonnage ou un compagnon à la Chambre du Milieu. Notons que plus facile ne veut pas dire plus simple car on est tributaire de ce qui est demandé sans pouvoir vraiment anticiper, prévoir l’imprévisible et comprendre. Il y a une différence entre faire et agir. Seule la démarche initiatique, communautaire par essence, permet d’accomplir le devoir, d’étendre le champ de conscience. Saint Bernard met la barre très haute en invitant à maîtriser nos actes en pleine conscience, de ce qui est commandé comme de ce qui est défendu. Cette dualité apparente doit être dépassée dans le respect de la Règle et de la conscience que nous en avons. Le devoir, c’est la Règle, quel que soit le grade.

          Dans l’écriture égyptienne du Verbe créateur, « », l’avant-bras est la coudée ; formuler la coudée, c’est formuler la Règle. L’action ne peut se faire que dans la formulation de la Règle. Elle ne sert pas qu’à mesurer car elle donne la rectitude. Quant à la bouche, le « r », elle émet la parole mais sert aussi à se nourrir. Le Verbe nourrit également. La Règle est l’axe, le commencement et la fin de la quête mais aussi le non-agir par excellence car elle est le moyeu de la roue autour de laquelle tout s’organise. La pratique comme l’écoute de la Règle éveille les êtres à la perception de l’Harmonie.

          Le non-agir n’est pas synonyme de passivité, d’inaction mais, selon Wikipédia, c’est « une attitude de réceptivité et de disponibilité extrême aux événements et aux situations dans lesquels nous nous trouvons inclus et impliqués sans en avoir la maîtrise ». Il implique une mise en harmonie, support de transparence, de nudité devant la Communauté, ce qui est demandé aux apprentis par le service ; servir sans être servile fait entrer dans l’action. L’oubli du Moi fait que celle-ci n’est plus tournée vers nous mais vers l’univers ; selon le viatique d’Apprenti, la marche est « la mise en action d’un désir orienté vers la Lumière. Les pas symbolisent la conscience vécue du plan de création ». Par le lâcher-prise, le frère accepte que l’action soit désintéressée et orientée. Alors la Communauté évolue dans un flux d’énergie harmonieux et chacun s’élève par la Communauté vers le créateur, à l’image de la construction du temple qui, pierre après pierre et pas après pas, s’élève vers le ciel, dans l’ici et le maintenant, le seul réel dans lequel il est possible de s’inscrire. Le non-agir est donc l’exécution du bon geste, au bon moment et au bon endroit. L’action initiatique ne vise jamais un salut pour plus tard, permettant d’être « sauvé ». Le non-agir est la véritable action, chemin d’offrande en vue de la transmission de la Lumière. Cela permet de ne pas gaspiller l’énergie mise à disposition par l’univers ; alors tout s’accomplit avec discernement et équilibre dans une conscience toujours plus grande. Le non-agir implique un état de réceptivité de la justesse par l’écoute de notre cœur-conscience comme de celui des frères, car tous sont source de connaissance, pour être dans une dynamique de réalisation de la volonté du Grand Architecte.

          Notre tradition de bâtisseur a su transcender l’action de la taille de la pierre en une action de conscience pour nous unir à l’univers. Le maître d’œuvre, après avoir établi le plan de l’œuvre répartit les tâches et l’œuvrier taille les pierres nécessaires avec des côtes précises. Il repère le lit de la pierre, le sens dans lequel les sédiments se sont accumulés avant d’être tassés par gravité ; la taille doit intégrer ce sens pour ne pas fragiliser l’édifice et que la pierre taillée ait une place harmonieuse. Comme le lit de la rivière qui laisse harmonieusement l’énergie liquide s’écouler, le lit de la pierre doit laisser les énergies s’écouler et ne pas laisser des compressions inadaptées créer des désordres dans l’édifice. D’ailleurs, il en est de même avec les vitraux, pierres translucides, qui génèrent plus la lumière qu’ils ne la laissent passer ; dans le temple, aucune lumière n’entre mais les murs génèrent de la lumière. Les marques gravées sur les pierres taillées sont là pour donner le sens de la pierre et lui attribuer une juste place. L’œuvrier commence par dégrossir avec ciseaux et maillets, mais pour avoir une surface parfaitement plane, il lui faut la règle qui vérifie et rectifie. Alors, de cette surface, il dresse les autres faces à l’équerre, sans approximation. Il vit avec la pierre, perçoit son unité tout en gardant en tête sa fonction future dans l’édifice. Le maître vérifie la conformité de la pierre qui, alors, devient une pierre communautaire avant qu’elle ne soit transportée pour sa pose. Au moyen-âge, si la pierre était ratée, on l’enterrait rituellement car de vivante elle était devenue impropre à sa fonction. Par contre, réussie, elle était mise en place par un rituel très simple : trois coups pour lui donner naissance à sa place. Alors, le mur peut s’élever. Il y a désappropriation de la pierre qui a trouvé sa fonction. La pierre, éternelle dans son origine (à l’échelle humaine), subit un processus de transformation, passe d’une éternité non formulée à une éternité révélée qui exprime la vie.

          Le bâtisseur n’est-il pas simplement un passeur de conscience qui formule la pensée créatrice du divin dans une œuvre qui exprime l’harmonie de cette pensée et la rend perceptible à l’homme ? Celui qui a vécu le concept ne vit pas le devoir de la même manière. L’œuvre témoigne de la pensée ; elle s’appuie sur les trois piliers que sont la pensée, la parole et l’action et révèle l’harmonie de la création. Il n’y a pas d’œuvre si le Verbe ne se matérialise pas. L’œuvre pérenne, en pierres d’éternité, transmet l’esprit. C’est de l’ordre de la Maîtrise mais doit s’acquérir dès le début.

          Le conflit évoqué par Martin Buber entre ce qui est pensé, ce qui est dit et ce qui est fait est aboli par la cohérence de l’œuvre et cela n’est possible que communautairement. Alors s’accomplit le passage de la puissance à l’acte, du monde idéel à celui de la mise en œuvre car l’acte est déjà tout entier dans le concept. Mais cela ne concerne que la Communauté car l’individu n’est ni dans la puissance ni dans l’acte ; seulement dans le passage. C’est la loge qui définit ce qui doit être fait, la manière de le faire et le moment où l’œuvre est considérée comme finie ; les frères ne sont que des vecteurs, des passeurs, incarnant des fonctions et n’agissant que dans le cadre de ces fonctions ; ils se mettent ainsi en accord avec l’esprit de la loge, son égrégore, en tissant sans cesse des liens, des croisements qui unissent les perceptions. Il y a intégration communautaire et consciente à l’harmonie de l’univers. Pour la Communauté l’acte c’est l’œuvre, l’objectivation d’une pensée spirituelle ; elle est la conscience, ou au moins la preuve de la conscience. L’œuvre réussie est hors du temps, intemporelle ; elle a nécessité la pureté des mains des œuvrants d’où l’absence de gants sur le chantier.

          Puissions-nous, par l’œuvre, accéder à l’énergie de l’Homme zodiacal pour entrer dans la Magie créatrice.


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