II.2.b Les Nombres sont les pensées organisées de l’unité ; ils sont le langage de la forme
1. NOMBRES DANS LE MONDE PROFANE ET NOMBRES SACRES
Il existe deux manières d’aborder les Nombres. Nous pouvons les voir avec notre vision
individuelle et profane ou avec notre vision communautaire et sacrée.
Pour notre vision individuelle et profane, un Nombre exprime une valeur pouvant
représenter des grandeurs, des quantités, etc. Il peut être qualifié de différentes manières : pair,
impair, décimal, complexe, entier, cardinal, ordinal, premier, etc. Il est représenté par un ou
plusieurs chiffres et on en vient parfois à confondre chiffre et nombre. À l’écrit, il peut être
exprimé en chiffres ou en lettres selon la quantité qu’il représente et le type de texte dans lequel
il apparaît.
Pour notre vision communautaire et sacrée, les Nombres sont des rapports relevant de la
géométrie. Ils peuvent déterminer des formes sans jamais être une mesure. Par exemple Pi est le
Nombre du cercle en tant que rapport entre la circonférence et le diamètre ; la suite de
Fibonacci est partout dans l’Univers et révèle le Nombre d’Or, nombre magique qui structure
l’Univers et lui donne forme. Sans avoir de forme, les Nombres donnent forme aux formes.
2. ORIGINE DES NOMBRES
Il est possible d’appréhender l’origine des Nombres selon plusieurs angles de vue en
fonction du plan sur lequel nous nous trouvons.
Dans le Mythe, ils sont issus du Principe créateur. Isha Schwaller de Lubicz, dans « Her-Bak
Disciple », nous dit : « L’origine du Nombre est le mystère de la scission de l’Un
incompréhensible, en deux et trois compréhensibles ; son caractère est d’être l’expression la
plus simple des fonctions de la nature, et sa nature propre est inséparable de la conscience ».
Dans une Communauté initiatique, ils prennent vie dans la conscience fraternelle
lorsqu’ils sont vus en tant que langage. Les Nombres en reflètent tous les aspects ; déployés au
sein de la création, ils ne demandent qu’à être rassemblés par ceux qui sont en capacité de les
voir. Cet acte est ce que nous exprimons lorsque, pour prendre la parole, nous disons « Mes
Frères selon les nombres qui vous sont connus » ; nous faisons ainsi l’offrande d’une pensée à
tous les frères présents ; chacun donne et reçoit selon son Nombre. Connaître un Nombre, c’est
naître avec, remonter avec lui jusqu’à son origine pour ne faire plus qu’un.
Ils révèlent leur concept par leur essence donc par leur racine, et par leur inverse 1∕n, leur
rapport à l’unité. C’est l’unité qui leur permet de s’exprimer ; l’ordre céleste est à l’inverse de
l’ordre terrestre. Le monde manifesté est l’image inversée du Créateur. C’est ainsi que tout
Nombre irrationnel peut, avec une haute précision, se mettre sous la forme d’une addition de
rapports et de Nombres. Par exemple √5 = 2 + 1∕8 + 1∕9 à 2∕10 000 près ; la diagonale du carré
long argenté vaut √5 et unit la dualité créatrice au Créateur (rectangle de 2 sur 1) pour permettre
l’incarnation (Cinq) de l’Esprit ; elle est le résultat de l’action de cette dualité et de
l’accomplissement (Huit) des neuf fonctions créatrices (assemblage de deux carrés donc de huit
sommets) ; c’est bien l’essence de la Connaissance.
On peut également dire que le Un se manifeste par la Lumière et le Verbe. Les deux sont
énergie et vibration, d’où une longueur d’onde, nombre donnant la distance entre deux crêtes
d’onde. Mais on perçoit mieux la longueur d’onde par son inverse qui est la fréquence de
vibration ; cela se caractérise par une note ou une couleur, bien perceptible. L’ensemble des
notes et des couleurs sont les expressions multiples du Un qui se manifeste.
3. QU’EST-CE QUE LES NOMBRES ?
Dans le « Langage initiatique des symboles », nous avons décrit ce qu’est le Nombre :
« Tout procède du UN, Principe créateur, insécable, ineffable, l’unité absolue. De ce UN
sortira, par division puis par multiplication, le multiple, générateur des mille et une forme de
l’Univers. Les Nombres sont l’expression de la fraternité la plus pure car ils sont tous issus de
l’unité première que symbolise la Communauté initiatique ».
Chaque chose comme chaque être est en rapport avec l’Unité, avec le Principe, et porte
donc en soi un Nombre dans l’ordre de la création, dans l’Univers. Ce Nombre n’est pas une
mesure mais un rapport à l’Univers. Pythagore enseignait que les Nombres étaient des forces
vivantes, que tout dans la Création était arrangé d’après les Nombres, et qu’ils sont la loi de
l’Univers. Les Pythagoriciens prêtaient serment « par la Sainte Tétraktys » : « Car le nombre
divin débute par l’unité pure et profonde et atteint ensuite le quatre sacré, ensuite il engendre la
mère de tout, qui relie tout, le premier-né, celui qui ne dévie jamais, qui ne se lasse jamais, le
Dix sacré, qui détient la clef de toutes choses », et «Tout est nombre ». Galilée nous dit : « Le
grand Livre de l’Univers est écrit avec l’alphabet de la Géométrie ». Pour Don Néroman : « Le
Nombre et la figure géométrique sont des faces de l’infini visage de Dieu et l’on peut toujours
espérer découvrir derrière chaque Nombre et chaque figure un nouvel aspect de la divinité ». Il
faut donc suivre le chemin des Nombres pour se relier à l’Unité. Le Un n’est pas perceptible ;
pour l’homme tout commence à partir du Trois pour pouvoir se rapprocher de l’Unité et de la
pensée créatrice.
4. PENSEE
En hiéroglyphes égyptiens, « khmt » signifie trois, penser, concevoir. Penser est donc lié
au Nombre Trois qui est « La première et la plus pure manifestation de toute architecture. Cette
structure est immanente à tous les états de conscience » (viatique de l’Apprenti). L’architecture
sacrée n’est-elle pas la plus belle expression de la forme ?
Les Nombres sont la charpente de la réalité ; ils en sont l’organisation fondamentale. Ils
mènent donc naturellement à la géométrie sacrée qui révèle à la fois les causes et les formes ;
« tendre le cordeau », n’est-ce pas passer du Nombre à la forme ?
La pensée ternaire pratiquée dans une communauté initiatique est la clé pour percevoir la
structure de l’Univers. Voir le monde par les Nombres permet de relier la forme à l’Esprit par
l’âme. Celle-ci est le relais entre l’esprit et la forme. Une âme qui perçoit l’énergie de vie des
Nombres relie le corps et l’esprit ; elle en est la jonction. Par la conscience nous pouvons entrer
dans la forme du sacré et découvrir en son cœur les Nombres qui la composent. Ils sont une
pensée, un flux d’énergie qui nous traverse et que l’on peut utiliser.
5. LA PENSEE COMME OFFRANDE
Les Nombres sont issus de l’Orient et diffusent la vie montrant ce qu’est le principe de
l’offrande. Quand on joue avec les Nombres pour rechercher l’unité en formulant une pensée,
on pratique le chemin de l’offrande au divin.
6. DEVELOPPEMENT DE LA PENSEE PAR LES NOMBRES
La pensée doit se formuler pour faire venir à l’existence les êtres et les choses, les sortir
de leur lieu de naissance. Elle le fait en s’appuyant sur les Nombres pour révéler tous leurs
aspects qui les relient au Principe : Deux est porteur de la dualité créatrice, Trois révèle l’Esprit,
Quatre est le cadre formateur, Cinq est l’incarnation, Six est médiateur et mouvement entre le
haut et le bas, Sept est la manifestation de la Sagesse, Huit est la nature naturée, Neuf est
justesse et perfection, Dix est couronnement et concrétisation, Onze est la puissance cachée, la
force, la clef du nombre d’or, Douze est le Nombre de l’univers, de l’Homme zodiacal.
7. LA PUISSANCE DU LANGAGE DES NOMBRES
Les Nombres donnent accès au langage qui permet d’œuvrer. Le Un éternel se perçoit par
la transmission de la langue sacrée structurée par les Nombres : trois lettres triples, sept doubles
et douze simples ; ces vingt deux lettres sont les symboles du Tableau de Loge, délimités par le
Douze de la corde à nœuds. Pour y accéder, il faut passer par les trois Piliers et entrer dans ce
volume, véritable volume de la loi sacrée, espace de création. Ce Douze dans le Trois vient de
l’Unité de l’Orient qui leur donne accès : « Qu’une lumière venant de l’Orient illumine ce lieu
et éclaire les frères sur le travail qui les attend ». Le langage sacré peut seul transmettre
l’intransmissible. Certains Nombres sont directement liés aux différents degrés des frères ; la
connaissance des Nombres décrit l’avancement dans la Voie de chacun. Par contre, la
Communauté Initiatique fait vivre tous les Nombres, à l’image de la Veuve, pour donner forme
à la pensée du Principe. C’est également elle, en tant que manifestation de la Veuve, qui peut
initier des nouveaux frères, et pour cela, incarner et faire vivre les Nombres. C’est ainsi que la
Communauté peut manifester la Volonté du Principe, pour passer de l’Esprit à la forme.
8. ELABORATION DU MYTHE ET DES RITUELS PAR LES NOMBRES
Notre mythe de création est un jeu des Nombres. Du Un apparaît le Deux, symbole du
dédoublement de l’unité qui, par polarité, fait apparaître un troisième terme, le Trois. Celui-ci
est le socle qui permet à l’unité de prendre vie et de se manifester dans une forme. Le Temple
est la synthèse des Nombres qui s’expriment dans l’Univers et s’y révèlent dans sa Géométrie.
Les Rituels formulent le mythe par le jeu des lettres ; c’est grâce à cela qu’ils peuvent faire
apparaître la lumière, la faire croître, la faire passer par des mutations et finalement être
transmutatoire. Ils sont une sorte de tissage engendré par la fraternisation des puissances de vie
que sont les Nombres. La langue sacrée s’épelle par les frères mais elle peut aussi fonctionner
sans intervention extérieur ; des textes rituels gravés sur des murs des temples produisent
l’énergie dont ils sont porteurs sans intervention extérieur, pour l’éternité.
9. CONTINUER AU DEHORS CE QUI A ETE COMMENCE AU DEDANS PAR LES NOMBRES
On peut se demander si toutes les formes dans l’Univers sont harmonieuses ? Le japonais
Dr Masaru Moto a étudié la structure de l’eau sur des gouttelettes d’eau soumises à des vibrations sonores. Selon les cas, la forme résultante est harmonieuse ou disharmonieuse. En
fait, une forme n’est harmonieuse que si elle résulte du jeu des Nombres ; c’est dans le Temple
que cela se perçoit le mieux. Alors, seulement, il est possible d’exprimer au dehors de
différentes manières ce qui est perçu au-dedans. Les bâtisseurs des Cathédrales ont formulé par
la géométrie des Nombres le langage caché de notre Univers ; des initiés aux Mystères ont
conçu de la musique sacrée ; d’autres ont fait des écrits et certains ont même su témoigner par
l’observation de la nature naturée.
En fait, peu importe le lieu où on observe l’action des Nombres ; ils sont toujours
l’essence de la forme et de la qualité de chaque chose ou de chaque être. Le Un se répand dans
les mille et une formes de la création, chacune ayant un Nombre qui la caractérise.