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III.2 La Magie creatrice genere le vivant et vainc la mort

          Cet art qu’est la Magie initiatique consiste à connaître les lois de l’univers pour les mettre en œuvre de façon consciente en utilisant les forces créatrices qui sont à l’origine de la vie et scellent la cohésion de l’univers. Morihei Ueshiba, fondateur de l’aïkido, nommait les huit forces qui soutiennent la création : mouvement et immobilité, solidification et fluidité, extension et contraction, unification et division. L’univers est donc bien constitué essentiellement d’énergie, comme le prétend également la science moderne. La pensée pure en est une forme par laquelle nous est accessible une puissante abstraction de la réalité.

          Cette Magie génère le vivant. En Égypte ancienne, la magie divine suscitant la vie se nommait « héka », mot très proche de celui de souverain et d’un des sceptres en forme de bâton de berger, de crochet (c’était le symbole de la royauté que les rois tenaient croisé avec le flabellum sur la poitrine). Cette forme est toujours présente sur la crosse de l’évêque et elle a pour fonction de diriger en rassemblant, en évitant la dispersion. Ce sceptre captait les puissances pour les unir afin de faire naître l’œuvre royale ; il permet la prise par-devers soi de l’énergie sous toutes ses formes. Il s’écrivait « héqat » qui signifiait également boisseau, mesure de capacité pour le blé. La magie permettait donc également de mesurer la nourriture essentielle à l’existence. De plus, « héqat » était aussi la déesse grenouille protectrice de la parturiente et qui donnait la vie à l’être à venir en présentant à sa narine le signe « ankh » (la vie). Enfin, le terme « h(n)kt » signifie bière, boisson qui, avec le pain, était la base de l’alimentation de l’égyptien ; celui-ci se nourrissait donc de magie, puissance qui unit les êtres entre eux de la même manière qu’au banquet, par le partage du pain et du vin, les frères s’unissent entre eux magiquement et se nourrissent des ancêtres, des Initiés passés à l’Orient éternel.

          Nourri de cette énergie, le magicien peut accomplir l’acte juste au moment juste. Il connaît le temps sacré et l’acte à accomplir. Il connaît le métier, et notamment la géométrie sacrée car il a suivi l’enseignement de la nature. En effet, on ne plante ni ne laboure hors saison ni dans un sol qui ne convient pas. Notons par exemple que les moines en Bourgogne ont enterré des ceps de vigne durant des années avant de commencer à en planter pour produire du raisin ; ils avaient rendu la terre adaptée à leur objectif. Souvenons-nous aussi que le porche nord du portail occidental de Notre Dame de Paris montre les travaux des champs représentant le cycle terrestre en correspondance avec les signes du zodiaque symbolisant le cycle de l’année. Les vitraux de la rose occidentale reprennent cette thématique. L’acte juste au moment juste correspond à une des significations de la maxime : « Fais ce que dois, advienne que pourra » ; et ce qui advient est la production du vivant. La magie apporte et entretient la dynamique de vie. La vie manifestée est mouvement, et l’observation de la nature, du microcosme au macrocosme, montre que sa cohérence, comme le mouvement qui la caractérise, viennent d’une loi d’attraction universelle que nous pouvons nommer Amour. La création du Grand Architecte de l’Univers est une descente dans la matière et nous donne le moyen de remonter à lui.

         Si la magie génère le vivant, elle repousse et vainc la mort, notamment au travers des morts successives que vit le frère. En sacrifiant sans cesse le vieil homme, nous renonçons à une petite existence individuelle pour plonger dans la Vie, au-delà d’une existence qui a bien un début et une fin. Seul, on ne peut vaincre la mort, mais dans une Communauté initiatique, c’est possible. Passer du plan individuel au plan communautaire ouvre le chemin du détachement pour découvrir et vivre dans la permanence de la Vie. Ce n’est pas une victoire militaire impliquant une défaite mais une naissance permanente dans la Lumière. Il s’agit bien d’un combat symbolisé par le chevauchement du tigre ou la domination du dragon.

          Dans l’« enseignement à Merikarê » (XXème siècle avant notre ère), il est dit : « Le Créateur a donné la magie à l’homme afin de repousser l’effet fulgurant de ce qui survient ». Ce qui survient, c’est ce qui n’est pas souhaitable et notamment la mort, et en général l’entropie. La magie empêche donc l’entropie, la dispersion, en étant capable de rassembler les énergies.

          Pour vaincre la mort, il faut la vivre, comme l’a fait Osiris, l’Être universel. Utiliser la magie, c’est aller vers Osiris, prendre la mesure (« héqat ») qui permet d’aller vers ce père qui n’appartient plus au monde de l’existence, du temporel mais qui est de l’ordre de l’universel. Par lui, nous pouvons vivre les deux éternités, celle des cycles liée à la lune avec ses quatorze jours qui mènent à la plénitude, ses quatorze nuits qui mènent au point de renaissance, et celle de l’instant liée au soleil, source de régénération permanente par l’intermédiaire d’Isis, la Veuve. Ces deux luminaires régissent le zodiaque et permettent de vivre la lumière dans sa totalité et sa plénitude dans une vision globale. Ainsi peut-on voir la Vie au-delà de la mort. L’initiation est une méthode pour vivre au-dessus de l’existence finie, d’entrer dans la réalité de la Vie infinie par une marche vers la Lumière, vers l’énergie créatrice du vivant. Elle trace le chemin qui précise la nécessité de passer par des étapes, d’où d’ailleurs les grades. Cela s’enchaîne ainsi :

  • D’abord le devoir

  • L’intention ensuite, liée à l’intuition.

  • Puis la pensée, flux d’énergie qui nous traverse et qu’on peut utiliser ; elle est à être longuement purifiée pour qu’elle ne nous détourne pas de la démarche.

  • Cela construit le désir initiatique, feu subtil nécessaire pour passer les portes et entrer dans le secret, sans jamais vouloir prendre, pour rechercher sans cesse l’essentiel, le cœur des choses.

  • Ce désir construit la sensibilité en éliminant la sensiblerie, la susceptibilité pour se centrer sur la Loge, sur nos frères plus que sur nous-mêmes.

  • Alors seulement, il est possible de passer à l’acte sans trace de réaction à quoi que ce soit, sans révolte ni peur. C’est de l’ordre de la Maîtrise mais commence à s’acquérir dès le grade d’Apprenti.

Tels sont les trois chapitres suivants qui montrent que la génération du vivant et la victoire sur la mort :

    • consistent à transformer les intentions en pensée juste ce qui fait naître la Lumière,

    • que cela s’accomplit par le mouvement dans l’acte juste au moment juste dans le juste milieu,

    • qu’il en résulte la remontée de la parole au Verbe.


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