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III.3.b L'enseignement et la transmission

         La Table d’Émeraude d’Hermès Trismégiste nous rappelle que « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas pour accomplir le miracle d’une seule chose.» C’est ce qui permet d’accomplir cette transcendance qu’est le Mythe, et c’est par le Rite que nous pouvons entrer dans cette transcendance. L’énergie créatrice circule alors entre le Ciel et la Terre, en irrigant celle-ci et en y maintenant la vie. Le Rite réitère la création du monde, et la Loge fait le voyage dans le temps de l’origine. Ainsi, elle agit comme les dieux ont fait au commencement. Dans ce sujet, traitant de l’enseignement et de la transmission, nous traitons donc du Rite qui relie les mondes entre eux, en créant une dynamique entre chacun, car pour qu’ils puissent se produire, la magie des rites est nécessaire.

         D’après le dictionnaire, enseigner signifie « faire connaître, indiquer par signes.» C’est donc l’art d’instruire l’autre afin de l’ouvrir à la réception, à l’intangible, et à la compréhension de ce qu’il va devoir découvrir. Indiquer par signe peut être vu comme le fait qu’il ne s’agit pas d’une formation uniquement mentale, mais d’une invite à l’action qui démontrera la véritable compréhension. Cette préparation de celui qui recevra l’enseignement ne consiste pas à lui faire prendre des leçons ou acquérir une quelconque vérité. Elle se rapproche sûrement plus de la maïeutique grâce à laquelle celui qui reçoit va naître par lui-même grâce à la réception et à la compréhension de ce qui lui est communiqué. Un point semble également important dans l’enseignement, c’est qu’il agit autant sur celui qui reçoit l’enseignement que celui qui enseigne.

         L’enseignement ne peut donc pas se faire seul, mais doit passer par un autre qui est en capacité de transmettre. Travailler seul est plutôt la voie des mystiques ou des laborantins qui se satisferont de leur propre vision ou de leurs lectures dans des livres. Le risque est de rester enfermé dans ses propres visions, de tourner en rond, ou de se nourrir de textes figés dans le temps.

         Si cela passe par les autres, au sein de la Communauté initiatique, c’est l’ensemble de la Loge qui y travaille, mais surtout les Officiers, comme le précise le rituel d’installation :

Hospitalier : « Enseigne nous la noblesse des sentiments, le dynamisme : d’une sensibilité juste, transforme les dysharmonies en communion. Affirme la qualité d’un amour qui s’exprime par notre sacrifice conscient au Principe Créateur. Enseigne aux Frères le chemin du don.»

Maître des Démarches : « En tant que Maître des Démarches, à toi de nous enseigner le mouvement et d’ouvrir les chemins de l’Initiation.»

Orateur : « En ta fonction de prieur, tu auras à instruire les nouveaux initiés des principes de l’Art Royal et tu ratifieras les décisions de la Communauté.»

Couvreur : « Apprends-nous comment restituer au dehors l’œuvre commencée au-dedans, sans la trahir ni l’avilir.»

         Cependant, c’est aussi le rôle de tous les Maîtres d’être les guides des Apprentis et Compagnons, ainsi qu’aux Compagnons d’accompagner les Apprentis tant dans le Temple qu’au dehors. C’est donc une démarche communautaire qui rejaillit sur l’ensemble des membres de la communauté selon les sensibilités propres à chacun et cela passe par l’expérience du vécu et sa transmission. Le langage symbolique, l’Astrologie sacrée, la Géométrie sacrée, l’Art du Trait, la Connaissance des Nombres nécessitent l’échange entre les Frères.

         Le fait de recevoir l’enseignement initiatique nécessite un désir de connaître la réalité mystérieuse du Principe de Vie. Un être en quête de cette connaissance va chercher à recevoir une perception de ces Mystères. Ce désir est central dans la démarche initiatique ; c’est la base de toute voie, notamment pour la parcourir dans le temps et malgré les obstacles. Cette appétence est la base de la pyramide. Si ce désir est au départ personnel, il se transforme pour faire vivre les fonctions créatrices au service de la Communauté Initiatique, ce qui génère la transmission.

         Les apprentis et compagnons travaillent sur les Petits Mystères par les Arts de leurs degrés, l’Astrologie et la Magie sacrées. Les maîtres les accompagnent en donnant les bases de la Connaissance, les outils pour pouvoir travailler. Les Chambres du Symbole et du Trait sont les lieux de transmission de cette Connaissance basées sur le langage des Symboles et des Nombres, et qui permet de s’ouvrir à la perception de la Sagesse lors des Tenues Principielles.

         Si la voie initiatique est un enseignement communautaire, soutenu par une Règle et des rituels, elle implique donc une méthode à suivre dont les maîtres sont garants en ayant conscience de leur devoir de transmettre la Sagesse qu’ils ont reçue. Le travail de la Sagesse est par nature difficile à transmettre, car c’est une matière subtile qui se trouve en chaque être. La part divine, ce feu sacré, est la Sagesse sur laquelle chaque être peut travailler. Cette Connaissance abstraite est déjà présente en chacun de nous et nous relie avec le feu secret de l’origine. Elle est cachée dans nos cœurs-conscience. Il faut donc la révéler, la mettre à jour et l’intensifier pour que ce feu rayonne.

         L’enseignement est un voyage actif et vécu, un témoignage. On montre le chemin, mais c’est au Frère de le parcourir ; la tradition montre le chemin, mais c’est à la Communauté de le parcourir ; le Grand Architecte de l’Univers montre le chemin, mais c’est à la tradition de le parcourir. La tradition n’est jamais figée ; elle est devant nous, en marche vers l’enrichissement de la conscience universelle. Il s’agit d’aller toujours vers la Lumière car elle seule peut élever vers le haut, vers sa source.

 

         D’après le viatique d’Apprenti, « l’Initiation est la transmission de toutes les formes sacrées de la Vie.» Si l’on reprend l’étymologie du terme transmission, il provient du latin transmissio, dérivant lui-même de tranmittere, constitué de trans- (au-delà) et mittere (envoyer). Transmettre, c’est donc envoyer au-delà. Il y a ainsi un mouvement et une dynamique nécessaires. C’est l’action de faire connaître, ce qui implique d’avoir accès à la Connaissance.

         Mais on ne peut envoyer en étant isolé ; il faut au moins un envoyeur (ou émetteur) et au moins un récepteur. Le rituel du premier degré nous dit également « demandez et vous recevrez.» En effet, la transmission ne peut se faire qu’à quelqu’un qui a envie de recevoir. Effectivement, elle n’est pas une simple communication d’information, abreuvant les membres de la Communauté et encore moins le nouvel Initié, d’informations que le volume rendrait futile. Nous ne vivons pas du traditionalisme, mais une Tradition : « La transmission initiatique se perçoit et se fait par la Tradition initiatique en tant que formulation de la Règle du Principe.» Elle est donc hors du temps, et se réalise entre les consciences, universelles, communautaires et individuelles, en reliant les initiés passés, présents et à venir, afin que la Connaissance se diffuse et se perçoive en chaque pensée, chaque parole et chaque action construite de manière communautaire.

         Le modèle hiérarchique de notre Tradition implique que les maîtres ont un devoir premier qui est d’aider les apprentis et compagnons dans leur soif d’apprendre. Cependant, le terme mitterre implique également une diffusion horizontale de la Connaissance, car chaque Frère apprend des autres.

         En outre, il faut connaître et aimer celui à qui on va transmettre. Cela souligne la profondeur et la richesse de notre démarche, sachant que pour nous, ce que nous devons transmettre, après avoir reçu nous-même et vécu, nous devons le redonner à notre tour. Ceci n’est autre qu’une spiritualité qui nous ouvre à un certain niveau de Connaissance, autrement dit, à une certaine approche de la spiritualité universelle.

         Cependant, ce mouvement ne s’arrête pas aux portes du Temple. Un des rôles de notre Communauté est également de rayonner au-delà d’elle-même et de donner à ceux qui pourraient et auraient le désir d’entendre la Parole de la Communauté. Car l’essence d’une Communauté Initiatique est l’offrande. Et même si en tant qu’individus ou que Communauté nous disparaîtrons, les germes que nous aurons répandus resteront. Les livres notamment sont alors très utiles comme témoignage à un instant donné et non comme une vérité, ce qui serait un mensonge comme tout vérité révélée. Souvenons-nous de l’inscription gravée sur le linteau de l’ancienne abbaye de Conques : « C’est le lieu des maîtres et des élèves où ils déposent librement ce qu’ils ne veulent pas perdre.»

         On peut cependant voir une différence entre les notions d’enseignement et de transmission, et notamment une logique et une progression. La transmission est intrinsèque à le Tradition Initiatique. Elle est permanente et prend de nombreuses formes différentes, alors que l’enseignement, qui en découle, nécessite une approche particulière pour, spécifiquement, structurer et organiser ce rayonnement.

 

         On peut voir la transmission comme un transfert d’énergie vitale. Par exemple, à l’ouverture des travaux, le Verbe Créateur issu du Principe passe du Delta au Vénérable Maître, puis par son regard, au sommet de l’équerre formée par la canne du Maître des Démarches et l’épée du Maître Expert, au-dessus des Trois Grandes Lumières. Il y a donc une descente et une diffusion de l’énergie dans l’espace de manifestation, tout comme le Vénérable reçoit les nouveaux initiés et Frères augmentés de grade à l’aide de son Épée Flamboyante. Ces rituels sont une transmission parfaite, la plus élevée que puisse accomplir une Communauté. Cependant, lors du rituel d’Initiation, le néophyte n’est pas en mesure de le comprendre, car cela ne se passe pas au niveau mental. L’enseignement, la formation du Frère au sein de la Communauté viendront ensuite pour qu’il n’erre pas dans l’inconnu, dans l’intransmissible ou pire, qu’il reçoive des enseignements fourvoyés. Il recevra alors des outils qui lui permettront de se perfectionner, de trouver et faire grandir sa parcelle de Lumière, découverte au fond de lui-même, et donc de plumer sa pierre.

         Les initiés se construisent ainsi les uns les autres par leur participation à la vie communautaire pour vivre ce qu’ils reçoivent et ce qu’ils donneront à leur tour. Cela génère ainsi une dynamique permettant de faire rayonner la Tradition en communiquant l’informulable grâce aux paroles de Lumière que portent les formulations du Mystère portées par la Communauté, s’appuyant sur les rituels et sa propre Règle de Vie.

         Mais, si les maîtres ont la responsabilité de cet échange au sein de la Communauté, celle-ci implique l’ensemble des maîtres, et non un seul. Cela prévient tout risque d’incompréhension, mais aussi de perversion de la Parole par un seul Frère. Il ne s’agit pas qu’un sachant impose à un apprenant. S’il y a mouvement d’un maître à un disciple, qui est le maître, et qui est le disciple ? On peut penser que le maître dans ce cas est l’ensemble des maîtres, pas un Frère unique. Le maître est celui, au sein de la Communauté initiatique, qui pose les bonnes questions, c’est-à-dire qui génère des réponses différentes, sans contradiction, avec des apports et des énergies différentes.

         Ce sont donc toutes les fonctions qui agissent. La source de la Connaissance qui vient du Grand Architecte de l’Univers est une et cohérente autour du Mythe de Création, mais les perceptions et angles de vues sont multiples et inépuisables. La formulation est donc toujours en mouvement, et la forme de l’enseignement évolue continuellement, mais toujours en lien avec la Tradition initiatique.

         Mais au fond, à quoi sert la transmission ? En fait, elle ne peut résider que dans le travail à la gloire du Grand Architecte de l’Univers. Dans la nature, tout est le fruit d’une évolution qui, héritière du passé, anime le présent et génère l’avenir. Il s’agit donc de transmettre une dynamique vitale, notamment par la force du rite. Celui-ci est Vie et donne la Vie. D’ailleurs, celle-ci est elle-même rituelle. Observons qu’il n’y a aucun processus vital, aucun comportement animal, ni végétal ou minéral qui ne soit pas rituel. Cela permet de donner, par le rite, un sens au monde et à l’être. La Vie est donc transmission, ce qui permet aux êtres qui ont reçu la Lumière d’entrer dans l’éternité. Vivre un rite reçu des anciens est donc un moment de grande voyance par rapport à la Lumière. Ainsi la Tradition initiatique se perpétue et la Conscience universelle s’enrichit.

         Alors comment se fait l’enseignement initiatique ? Sa Magie est son aspect formellement intransmissible qui fonctionne sur le Mythe de  création, sur le concept de mourir à un état pour renaître à un autre en direction de l’origine, dans l’idée de s’élever et être dans l’essentiel.

         En outre, l’enseignement initiatique n’est pas absolu et ne donne jamais la vérité. Tout passe par le vécu des choses par les sens immatériels, car seul importe l’Esprit incréé, et non le monde matériel, par nature éphémère. Sans ces sens immatériels, rien ne peut se léguer. Il ne s’agit pas de passer par le mental et un savoir, mais par une Connaissance structurée par des évocations qui parlent au cœur et se ressentent. Chez les anciens égyptiens, pour faire vivre un être, que ce soit un humain, une statue ou un temple, il fallait procéder à un rituel pour lui ouvrir la bouche, les yeux, les oreilles. Car pour vivre l’initiation dans le Principe, il était nécessaire d’avoir un lieu où s’opérait la transcendance, un lieu d’enseignement, de transmission. L’essentiel passe d’abord par les Chambres, du Symbole pour les apprentis, et du Trait pour les compagnons, pour les guider vers les Petits Mystères. Les banquets sont des moments particulièrement propices. C’est bien ce que nous indique le rituel de gable :

« Prem. Surv. : Vénérable Maître, apprends d’abord aux Compagnons l’usage de la Parole qui modèle la matière ! »

« Sec. Surv. : Vénérable Maître, apprends aux Apprentis que la seule obéissance créatrice naît de la Connaissance.»

         Dans l’enseignement initiatique, il n’y a pas d’explication formelle, car l’écrit qui fige est dangereux. Il est donc avant tout oral, de cœur à cœur. Cependant, si nous ne pouvons nous passer de la langue courante, la méthode nous amène donc à aller à la racine des mots, par l’utilisation de l’étymologie, des anagrammes, de la langue des oiseaux… de façon à créer des analogies, et surtout des anagogies. Certaines langues sacrées, comme les hiéroglyphes égyptiens, permettent de nombreuses perceptions car un simple déterminatif permet de changer le sens d’un simple mot, mais sans supprimer le lien avec les autres significations. Deux exemples permettent d’illustrer cela :

- Le Dharma (ou Hô en japonais) a quatre sens : la loi (ou règle), le phénomène, la vérité et l’enseignement. On peut donc en déduire que les phénomènes apparaissent selon les lois de la création qui s’enseignent pour nous approcher d’une vérité ; ou bien que l’enseignement doit s’appuyer sur une règle pour accéder à ce qui est, en s’appuyant sur le monde manifesté, visible, reflet de l’invisible. D’ailleurs, on peut remarquer qu’une des lois causales, la loi de transmission, est mise en œuvre par l’Orateur et s’exprime par la Règle du Verbe Créateur.

             - Le mot « sba » en hiéroglyphes égyptiens est éclairant. Suivant son déterminatif, il signifie étoile, porte, enseignement et instrument de visée d’arpentage. Dans presque tous les cas, il s’écrit avec le hiéroglyphe de l’étoile, montrant que celle-ci, lumière du ciel, est essentielle. Par conséquent, viser une étoile (la bonne si possible), conscience céleste, permet de passer des portes, de recevoir un enseignement et ainsi monter vers la lumière jusqu’à, peut-être, réussir à l’enrichir.

         Tout commence par le Second Surveillant qui donne le sens de la Tradition qui s’appuie sur une langue sacrée. Il ne transmet pas la Lumière, mais ouvre les sens immatériels à la Lumière pour que la Communauté initiatique perçoive quelque chose et que sa conscience s’éveille vers la conscience universelle, par l’action de la transcendance, ce qui ouvre les portes de la Sagesse.

         Mais chaque Frère doit intérioriser puis développer ce qu’il reçoit avec persévérance, sans oublier d’être vigilant, attentif et ouvert à ce qui se passe dans la Communauté initiatique. Si le Maître donne, le disciple reçoit et il doit s’éveiller, percevoir l’invisible, être attentif à tout, en constante alerte, en mouvement vers la Connaissance, en travail continu sur le chemin. Rien ne peut se produire, quel que soit le Maître, si le disciple n’est pas en demande. Ainsi, le cœur du disciple est prêt à recevoir et à transmettre au Principe ce qu’il reçoit, tel une offrande à la Conscience universelle.

 

         Notre approche initiatique nous amène souvent à parler du passé ou d’autres traditions. Mais s’accrocher au passé ne permet aucune actualisation de la pratique spirituelle, communautaire et donc universelle. Seule la transformation de la conscience peut contribuer à son élargissement. Formuler et reformuler continuellement permet d’éviter de tomber dans le dogme et enrichit la tradition tout en transmettant la sagesse contenue dans les rituels et les symboles que nous ont transmis les Initiés Passés à l’Orient Éternel : « Une conscience toujours plus organisée de l’univers passe de main en main, et son éclat grandit » (Teilhard de Chardin) ; « Que la pensée de l’individu s’ajoute, avec patience et silence, à la pensée des générations » (Rodin).

         Il s’agit alors de faire vivre le Verbe par la formulation à travers la Parole, le Trait, les rituels, par l’action au sein de la Communauté par l’acte juste au moment juste, ouvrant la voie au bonheur. Car la justesse est l’art d’être à la bonne heure et elle amène à la plénitude. L’écriture hiéroglyphique inversée des mots « ptah » (maître d’œuvre) et « hotep » (offrande, plénitude) donne d’ailleurs l’indication de cette offrande. C’est donc vivre la plénitude. Lorsque les hommes apprennent à parler le langage des dieux, ils deviennent capables de ritualiser leur activité quotidienne et de donner un sens à tout ce qui les entoure. La sacralisation des activités au quotidien permet de sacraliser la Vie et donc de les élever. Un Frère apprenti ou compagnon permet au Frère maître d’élever sa conscience en fonction de la qualité des questions qu’il pose. La Tradition initiatique nous montre donc que l’on s’enrichit tant que l’on enseigne, et que l’on reçoit autant quand on nous donne que quand on donne.


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