Celle qui nous intéresse ici est « l’action de reconnaître comme sien, comme vrai, réel ou légitime » (Larousse).
En fait, ce n’est pas autre chose que l’accès à la Connaissance de ce que les êtres et les choses sont dans leur nature essentielle. Il s’agit de retrouver cette essence, de se la remémorer.
Qui en détient les clefs ? Le viatique de l’Apprenti du R.I.T.E. indique :
« Etes-vous initié ? »
« Mes frères Maîtres et Compagnons me reconnaissent pour tel ».
La Règle insiste tout particulièrement sur cette identification, parce que là se situe la principale difficulté de l’homme. La grande trahison spirituelle consiste à se reconnaître soi-même. Les profanes le font quotidiennement, notamment à travers tous les complexes de supériorité ou d’infériorité. Dans le temple, tout bascule et s’inverse. Nul ne peut se proclamer initié, et en faire valoir des droits. Chacun est ainsi distingué, et le jour où ce n’est plus le cas, il n’est plus rien, c’est la mort spirituelle, la pire de toutes. Il n’existe aucun acquis définitif.
Ainsi, reconnaître un frère, revient à admettre qu’il est membre à part entière de la communauté initiatique, et donc, par extension, de la communauté universelle, qu’il concoure, avec elle, à la réalisation de l’Homme cosmique, et qu’il en respecte la Règle.
Cette appréciation est faite par ceux plus avancés dans la hiérarchie tout d’abord. Les enfants de la lumière se reconnaissent à leur sagesse et il faut en détenir une parcelle pour la voir. Elle est faite également par le Vénérable Maître, à l’ouverture des travaux dans le temple quand il dit : « Prenez place ! », vérifiant ainsi que chacun est bien dans sa fonction. Si ce n’était pas le cas, le Grand Architecte ne pourrait se manifester. C’est enfin le cas également à la fermeture des travaux quand la Veuve reconnaît ses fils en circulant parmi eux et que son tronc est attouché.
Nul ne peut choisir sa juste place. Seule la Chambre du Milieu est en capacité d’en juger avec sûreté. Un frère se laisse installer dans la fonction et les devoirs que la hiérarchie initiatique décide. Il ne peut servir efficacement et ainsi être libre d’aucune autre manière. Même le Vénérable Maître doit être accepté chaque année pour exercer son sacerdoce.
Comment la reconnaissance s’effectue-t-elle ? Par les signes, paroles et attouchements qui caractérisent la nature de l’être. Ceux-ci varient suivant les grades et révèlent le degré d’évolution, ainsi que, et surtout, les Nombres qui sont connus.
Ces trois éléments s’expriment par les symboles que sont l’équerre, le niveau et la perpendiculaire, ainsi que par le signe d’ordre, lui aussi exprimé différemment selon le grade.
Rituellement, une reconnaissance fraternelle s’exécute également à travers le tuilage qui donne, d’une façon symbolique et conceptuelle, les devoirs du frère. Mais il ne suffit pas de connaître les rituels et de les réciter par cœur ; car tout ce qui vient d’être dit traduit formellement les initiations vécues au cour de la marche vers la lumière.
La communauté des œuvrants va au-delà en percevant l’invisible, l’impalpable, c’est à dire l’état du cœur-conscience. Autrement dit, chacun a-t-il découvert le mystère des symboles ? A-t-il réellement franchi les portes lui permettant de découvrir d’autres champs de connaissance ? A-t-il mis son existence dans une harmonie toujours plus poussée avec les devoirs issus de la Règle ? A-t-il compris qu’il devait tuer le vieil homme en permanence et diriger son cœur, sa pensée et son esprit dans une vie tendue vers le sacré ? A-t-il … ?
Entrer sur la voie est comparable à un sacerdoce. L’être ne s’appartient plus. Il est l’acteur consentant et soumis à la mise en œuvre et à la propagation de la Loi divine.
Ainsi, être vu comme initié par ses frères signifie que l’on est devenu à l’image du Créateur : l’Amour fait homme.
Quand une loge fonctionne parfaitement selon tous ces critères, elle peut procéder à d’autres reconnaissances, comme le terrain où le futur temple s’élèvera, comme le temple lui-même à travers ses dimensions et proportions, comme la puissance créatrice qui fait vivre l’univers ou encore l’énergie dont les frères ont besoin pour œuvrer, c’est à dire la forme énergétique la plus utile.